Francofaune, l’amour en souterrain
Pendant dix jours, du 3 au 13 octobre, le festival Francofaune va à nouveau décliner tout le nuancier de la chanson française (et de ses dérivés). La preuve, dès ce vendredi, avec la carte blanche offerte à la Souterraine.
Depuis cinq ans, le festival Francofaune agite l’automne musical. Son carburant? L’enthousiasme, communicatif. Sa ligne éditoriale? Plutôt une courbe. Celle qui suivrait les mille et un zigzags de la « chanson » française, vue non pas comme un vieil archétype un peu suranné, mais bien comme une expression en perpétuelle mutation.
Il suffit de voir à nouveau le menu proposé du 3 au 13 octobre, un peu partout à Bruxelles (lire encadré ci-dessous). Dès ce vendredi sera ainsi offerte une carte blanche à la Souterraine, avec Antoine Loyer, Sabine Happart et Mohamed Lamouri. Une invitation qui s’imposait d’elle-même. Inaugurés à peu près au même moment, Francofaune et la plateforme française partagent en effet une même curiosité pour le biotope musical francophone. Le premier via son festival, le second en publiant des compilations d’artistes indépendants -souvent non-professionnels, dans tous les cas hors de portée des radars médiatiques.
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« Quand on a démarré, l’idée était vraiment de mettre en lumière des choses qui ne le sont pas souvent« , explique ainsi Benjamin Caschera. À la base, le cofondateur de la Souterraine (avec Laurent Bajon) a pourtant été biberonné à la musique anglo-saxonne. C’est via son boulot de chargé de promo pour des labels indépendants qu’il découvre toute la richesse d’une scène francophone aussi bouillonnante que peu exposée. À partir de groupes/artistes comme Aquaserge, Julien Gasc, Gontard, etc., il remonte alors le fil, avec l’idée de délaisser les grandes autoroutes musicales pour se faire ses propres itinéraires bis.
Une première compilation sort en 2014. Elle est postée sur le site de la Souterraine, téléchargeable à prix libre. Cinq ans -et quelque 200 références- plus tard, le principe n’a pas changé. Pas loin de 700 artistes ont ainsi pu glisser au moins un titre sur la plateforme! « Dès le départ, c’était le parti pris: montrer qu’il y a abondance, qu’à côté des dix titres qui tournent en boucle sur les radios, il y a tout un monde parallèle. Le but est précisément de documenter cette profusion. » En fouillant le catalogue de la Souterraine, on tombe sur les premières traces de Chaton ou Requin Chagrin; sur des disques hommage à Léo Ferré, Mathieu Boogaerts ou un cycle de reprises consacré à Jean-Luc Le Ténia, sorte de Daniel Johnston français. Mais surtout, donc, sur des compilations complètement éclatées. Dernier exemple en date, la collection Rurbain, où l’on trouve aussi bien du « reggae digital » que de « l’indie-pop zoukée » ou encore un morceau de LEM, le projet solo de l’ex-Brochettes, le Bruxellois Nicolas Ekla…
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Rap au féminin
Forte de ses 20.000 abonnés, mais toujours sans aucune subvention, la Souterraine fonctionne au bénévolat -« pour la première fois, on a pu prendre une stagiaire, rémunérée grâce aux dons« . Il n’est toujours pas question de se transformer en véritable label -« imaginer une exploitation commerciale pour des projets qui se situent pour la plupart en dehors du marché n’aurait pas vraiment de sens« . Au lieu de ça, la Souterraine reste ce point de vue incontournable et, à vrai dire, assez unique sur le paysage musical francophone.
Un panorama qui s’est pas mal transformé ces dernières années. Comme tout le monde, Benjamin Caschera a pu le constater: « Chanter en français est aujourd’hui mieux accepté. À Paris, je tombe de plus en plus souvent sur des soirées « indé » 100% francophones. J’ai l’impression que les programmateurs sont plus ouverts. Le public aussi: des gens qui pensaient ne jamais pouvoir écouter ou danser sur de la chanson française, et qui s’y mettent. » Comment expliquer ce nouveau dynamisme? « Au-delà du fait d’avoir de plus en plus d’artistes qui assument de chanter en français, il y a plus généralement de plus en plus de gens qui font de la musique tout court. Aujourd’hui, tout le monde peut très facilement faire des morceaux et les poster directement sur le Net. » Et comme tout le monde ne maîtrise pas l’anglais…
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Par la force des choses, la Souterraine a donc élargi son terrain d’investigation et diversifié ses relais. À défaut d’un cahier des charges esthétique, Benjamin Caschera reste avant tout fidèle à une certaine éthique : le goût de l’original -« on ne va pas faire une énième compilation de French pop new wave/années 80« -, et surtout de la sincérité. « Au fond, on essaie d’être le moins segmenté possible. Il y a parfois des choses que l’on va aimer moins, mais qui méritent d’être reprises parce qu’elles ont un truc qui se raccroche à l’air du temps. » À cet égard, impossible de passer à côté de la révolution rap. « Son influence sur la pop actuelle est devenue hégémonique. Ne pas s’y intéresser, c’est être aveugle ou ringard. » La Souterraine se penche donc aussi sur ce qui se passe de ce côté-là. Mais toujours à sa manière, en zieutant les marges plutôt qu’en se focalisant sur les grosses cylindrées. « On a par exemple un partenariat avec un compte Instagram qui organise des concours de freestyle, dont l’un est dédié aux filles, qui restent complètement minoritaires. Vous tombez sur des choses épatantes, beaucoup moins stéréotypées que dans le rap « industriel » ». Un premier volume est attendu pour le mois prochain!
Carte blanche à la Souterraine: le 04/10 à la Maison des musiques, Bruxelles. www.lasouterraine.biz
Quand? Du 03 au 13/10.
Où? Dans plus de 20 lieux, éparpillés dans Bruxelles (du Botanique au Brass, du Beursschouwburg à la Tour à Plomb, etc.).
Quoi? En sous-titrant son festival « pour la biodiversité musicale« , Francofaune pose bien l’ambition du jour: montrer à quel point l’expression musicale francophone ne se cantonne pas à un genre précis. Bien sûr, la chanson occupe une place singulière dans la programmation. Mais celle-ci englobe des propositions qui touchent davantage au rock, à l’électro, au rap, ou aux sonorités plus « world ». Il suffit pour s’en convaincre de jeter un oeil à une affiche foisonnante. On y pointera notamment les concerts de Bertrand Belin (le 07/10, à la Madeleine), Keren Ann (le 05/10, au 140), Pitcho (le 04/10, à l’Espace Delvaux), Sapho (le 09/10 à l’Espace Magh). Mais aussi les cartes blanches proposées à Manu Louis (le 11/10 à LaVallée), David Numwami (le 08/10 au MIMA), ou les désormais fameuses Secrètes Sessions (le 03/10 au VK), etc.
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