Esperanzah!: l’engagement au coeur de la scène
Sur le site classé de l’abbaye de Floreffe, le festival de musique Esperanzah! offre autour de ses trois scènes musicales une gamme écolo et solidaire pour le festivalier engagé. Tour du propriétaire, depuis le premier jour de festival.
« Tu préfères la résistance ou l’alternative? » Un festivalier a écrasé sa cigarette et s’apprête à jeter son mégot dans le « cendrier vote ». Selon la réponse à la question, il le jettera dans l’un ou l’autre contenant. Une manière ludique d’inciter les gens à faire attention à celui qui est considéré comme l’ennemi numéro 1 des déchets: le mégot. Outre les cendriers de vote, des cendriers de poche sont distribués et d’autres sont accrochés aux ilots de tri. C’est une manifestation du souci environnemental d’Esperanzah!.
S’amuser, oui, mais s’amuser de manière écologique et responsable, voici l’un des credo de l’événement. C’est pour cette raison que le festival est engagé dans l’opération Wallonie#Demain, pilotée par le ministre wallon de l’Environnement en charge du développement durable, Carlo Di Antonio. L’objectif: sensibiliser le public au développement durable et au respect de l’environnement. À Esperanzah!, on fait donc attention à ses déchets. Julien Pierard, responsable environnement pour l’événement, n’a pas une minute à lui. Il doit notamment s’assurer de la mise en place des 50 îlots de tri sur le site du festival où la ségrégation s’opère entre déchets organiques, PMC, papiers/cartons et non-triables. Après, direction le centre de tri, le nerf de la guerre de la gestion des déchets. Là, la minutie est frappante: les sacs poubelles sont rouverts pour vérifier que tout a bien été jeté convenablement. Cinq associations (des scouts, des jeunes, des sans-papiers) collaborent à l’action et circulent dans les différentes zones du festival pour ramasser les déchets et informer le festivalier.
Agir contre l’injustice
Sur un chemin du site du festival, des personnes arborent les couleurs bleu et blanc ainsi qu’un grand sourire. C’est une zone de passage stratégique qu’ont choisie le stand de Médecins du Monde pour leur troisième année à Esperanzah!. « À ne pas confondre avec Médecins Sans Frontières », sourit Hélène Bruneau, tablette à la main pour présenter leur action et récolter des dons. Elle désigne derrière elle le Medibus, qui va à la rencontre des sans-abris, des migrants, des prostituées à Bruxelles et dans le Hainaut pour distribuer des médicaments et des soins.
Il s’agit aussi d’informer et d’accompagner les personnes quant aux démarches pour avoir accès aux soins et aux mutualités. Hélène Leroy, responsable de la récolte de fonds et des événements, met en avant leur point d’honneur: « soigner l’injustice, [à savoir] réduire les inégalités face à l’accès aux soins de santé ». Le festivalier peut donc soutenir Médecins du Monde et faire un don en à peine quelques glissements de doigts sur une tablette. Ici, on n’écoute pas simplement l’offre musicale sur les trois scènes d’Esperanzah!, on devient acteur de causes. Et pour trouver celle qui nous tient à coeur, direction le Village des Possibles. À l’entrée, un bénévole accole un tampon sur le bras des festivaliers: « Niemand is illegaal » (Personne n’est illégal). Il introduit un collectif de jeunes en Belgique francophone qui présente la désobéissance civile, c’est-à-dire de consciemment désobéir à une loi au nom d’une cause morale supérieure. Le stand pose la désobéissance civile comme moyen d’agir pour la justice climatique ou encore le droit des étrangers. Certains écoutent la présentation de leur prochaine action: bloquer une mine de charbon à ciel ouvert en Allemagne, où se déroulera la COP23 en novembre prochain.
À l’intérieur du Village des Possibles, une ambiance décontractée, un décor en bois, et différentes associations prêtes à présenter leur projet aux festivaliers curieux. L’Association Belgo-Palestinienne informe sur sa campagne pour la libération de la Palestine et invite à signer sa pétition à l’occasion des 50 ans d’occupation de la Palestine. Au stand d’UniverSud, ONG rattachée à l’Université de Liège, on cherche à conscientiser aux relations Nord-Sud. Une grande carte représentant les différents continents est accrochée. Chacun peut y tracer son parcours et celui de ses (grands-)parents: la preuve que personne n’est 100% belge et que chacun possède une identité métissée.
C’est l’heure de manger responsable
Un parfum de fraîcheur nous amène au stand de la coopérative liégeoise agrobiologique Les Compagnons de la Terre. Là trônent citrons, concombres, carottes et autres produits provenant de leur propre récolte et des Petits Producteurs sur Liège. C’est la deuxième année qu’ils installent leurs quartiers au festival. « L’objectif est de sensibiliser les gens à se nourrir différemment », raconte une bénévole tandis que sur le stand, on s’affaire à la confection de jus de légumes. Différemment? « Privilégier le local, faire attention aux circuits de production, à la rémunération des producteurs, à l’accessibilité des produits. »
Une fois l’appétit ouvert grâce à un jus de légumes, c’est le moment de se rendre au Comptoir des Saveurs qui promet de satisfaire nos papilles. À l’entrée, le stand Ethiquable donne le ton. Cela fait six ans que l’entreprise à finalité sociale réunissant 40 coopératives de petits producteurs en Asie, en Afrique et en Amérique latine vient au festival. Ici, café, chocolat, chips, cookies bio-équitables sont proposés à un « prix juste ». « Il est défini selon des standards et des labels qui garantissent que le produit est issu du commerce équitable », explique Nicolas, responsable d’Ethiquable pour la Flandre, qui tient à faire valoir à Esperanzah! le but qui sous-tend la coopérative: « remettre l’homme et son travail au centre de la société ».
À Esperanzah! donc, même céder à un petit creux ou se sustenter entre deux concerts relève de l’engagement. Crêpes géantes, fish & chips, spécialités créoles ou latinoaméricaines, ce n’est pas le choix culinaire qui manque du côté des foodtrucks. Mais qui dit foodtruck ne dit pas forcément fast ou junk: tous s’engagent à respecter une charte environnementale. Cela veut dire que les préparateurs apportent un soin particulier à la gestion de leurs déchets – ils utilisent notamment de la vaisselle biodégradable – et à la provenance de leurs produits, majoritairement locaux. Ainsi, grâce au groupement floreffois Paysans-Artisans, les foodtrucks s’allient avec des petits producteurs des environs.
À côté de sa programmation musicale, Esperanzah! apparaît ainsi également comme le carrefour de la solidarité et de l’engagement. Environnement, alimentation locale, bio et éthique, soutien aux défavorisés: autant de domaines dans lesquels le festivalier peut s’investir pour apporter sa pierre à l’édifice d’un monde plus juste.
Monica Baur
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