WORLD | Parrainé par Oxfam, Damon Albarn (Blur, Gorillaz) et ses amis plongent dans la marmite congolaise. Avec enthousiasme mais sans se brûler.
L’homme ne reste jamais tranquille très longtemps. Ces 10 dernières années, Damon Albarn, « the hardest working man in the indie-business », n’aura pas seulement cartonné avec Gorillaz. Il aura également réactivé Blur, formé 2 supergroupes (The Good, The Bad & The Queen et le récent Rocketjuice and the Moon), monté un opéra chinois (Monkey: Journey to the West) et pondu un album-crossover, Mali Music, bien avant la rage actuelle pour le blues du désert.
Le voici aujourd’hui de retour sur les terres africaines, au Congo-Kinshasa cette fois. Comme pour Mali Music, le but est double: artistique, certes, mais aussi caritatif. Les recettes du disque seront en effet versées à Oxfam, parrain du projet. En juin dernier, l’Anglais a donc débarqué à Kinshasa pour s’immerger dans la musique de la scène locale. Il n’est pas arrivé seul. Avec lui, une belle brochette de producteurs, dont notamment TEED (Totally Enormous Extinct Dinosaurs), Dan the Automator, Richard Russell (le patron de XL Recordings)… Mission: pondre un album en 5 jours (!), en collaboration avec des musiciens kinois: Jupiter, Tout-Puissant Mukalo…
Bateau ivre
On imagine la scène: Albarn, muni de son iPad (celui sur lequel il a composé le dernier album de Gorillaz, The Fall), face aux likembe bricolés des musiciens congolais. La ribambelle de producteurs attitrés plongés dans la marmite kinoise, eau et fuites de gaz à tous les étages. Le Congo a beau se remettre lentement du chaos, il reste un pays déglingué, bateau ivre que les prochaines élections font à nouveau dangereusement tanguer. La musique, elle, tient bon: outre les stars de la rumba et du ndombolo, le Congo titille aujourd’hui les amateurs de rock indépendant, avec des projets comme Konono n°1 et sa transe électrique ou le Staff Benda Bilili et sa rumba-soul 70’s.
Albarn et sa bande ont-ils eu vraiment le temps de digérer tout ça? Pas certain. A lire les réactions au retour de Kin, les participants ont été clairement marqués par l’aventure. Au point, peut-être, de n’avoir pas tout à fait su canaliser la masse d’infos, de couleurs, de sons… collectés en quelques jours. Kinshasa One Two donne ainsi souvent l’impression de chercher le fil conducteur. Normal, vu le nombre d’intervenants impliqués. Mais du coup, le disque a parfois du mal à trouver sa propre voie. Hallo, par exemple, se présente volontiers comme une suite du Sunset Coming On du projet Mali Music, alors qu’un morceau comme If You Wish To Stay Awake choisit plutôt la carte électronique, les éléments africains étant noyés dans ce qui ressemble à un remix glitch-house. En fait, même quand la touche occidentale est limitée, comme sur Lourds par exemple, voire nulle (l’acapella de Love), le producteur garde la main. Récemment, le projet Congotronics vs Rockers, qui faisait également se rencontrer musiciens kinois et cadors du rock indé, avait plutôt tourné à « l’avantage » des Congolais. Ici, le résultat est inverse. Kinshasa One Two voit la bande à Albarn plonger dans le bain musical congolais, mais sans jamais trop s’éloigner du bord. La manoeuvre, aussi décousue soit-elle, n’en reste pas moins intrigante, souvent rafraîchissante même. De quoi en tout cas confirmer le statut de nouvel Eldorado musical du Congo…
Laurent Hoebrechts
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