Dour J5: Tenue du dimanche

Pixies © Olivier Donnet
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Trips congolais (Konono N°1, Mbongwana Star), bricolage masqué (Why The Eye?), rap boosté (Ho99o9) et rock alternatif déterré (Pixies). Dour s’est terminé dimanche sous le soleil dans toute sa réjouissante diversité.

Why The Eye? On a rendu les armes aux premiers problèmes techniques mais c’était la découverte de la journée. Instru à roue, castabignettes, radiocaphone, lamellophone… Les bruxellois masqués de Why The Eye? (dans lequel on retrouve notamment les membres de Zoft) jouent sur d’étranges instruments bricolés une obsédante musique, tribale, ludique et expérimentale. Une électro do it yourself primitive du futur.

Fumaça Preta. Entre le Brésil, le Portugal et Amsterdam, le coeur de Fumaça Preta balance. Les protégés du label Soundway qu’on avait découverts à l’aventureux Bonnefooi un dimanche sans voiture ont durci le ton avec leur nouvel album Impuros Fanaticos et perdu un peu de leur folie psychédélique. Dommage.

Double Veterans. « Steppin on the beach. Drinking, smoking Weed. Hanging with my friends. This could be the end. » Les paroles de Beach Life résument à elles seules le festival de Dour. Dans les années 90, ces mecs seraient passés en boucle à la radio. Auraient eu des clips diffusés sur MTV et auraient peut-être même vendu un paquet de disques. Sauf qu’on est en 2016. Et que rameuter du monde à son concert avec des guitares, c’est déjà pas si mal. So nineties…

Kel Assouf. Notamment accompagné de sa cousine Toulou Kiki (l’actrice principale du film Timbuktu), le plus touareg des rockeurs bruxellois avait la tâche ingrate d’ouvrir la Last Arena dimanche en début d’après-midi. Et le résultat était encore plus désespérant que vendredi pour Sharko. Quelques dizaines de curieux seulement au pied d’un immense podium sur une immense plaine avec des immenses bars désespérément vides. L’heure précoce (14h40 tout de même)? La nouvelle disposition sur le site de la scène principale? Ou tout simplement le peu d’intérêt suscité par le rockeur des sables? Un peu de tout ça sans doute. À revoir dans un contexte plus indiqué.

Ho99o9. Ils sont venus. Ils ont vu. Ils ont donné et ils ont vaincu. Mosh pits, salto. Avec leur mélange radical de hip hop extrême et de punk hardcore, les deux sauvages du New-Jersey ont mis la Petite maison dans la prairie sens dessus dessous. Charles Ingalls n’y aurait plus retrouvé ses petits…

Slaves. Ils ont des looks de skinheads, des têtes de piliers de pub et des gueules de hooligans fichés mais étaient l’an dernier nominés pour les Mercury Prize. Une guitare, une batterie, puis surtout une bonne dose de testostérone. Les deux punks de Royal Tunbridge Wells dans le Kent ne font pas de chichis. Efficace mais sacrément répétitif.

Mbongwana Star. Congo clap première. Construit sur les cendres du Staff Benda Bilili et emmenés par deux de ses paraplégiques, Mbongwana (le changement en lingala) s’affranchit des musiques traditionnelles et mêle le son de Kinshasa a quelque chose de plus occidental et moderne. « Le disque est une synthèse pour que notre musique soit écoutable à la radio. Le live est beaucoup plus énergique. » Rock rumba afrobeat… Si elle les a catapultés dans des fauteuils, la polio n’a jamais empêché Théo et Coco de danser sur deux bras et deux roues. Le temps du Changement.

Konono N°1. Congo clap deuxième. Né dans les années 60, Konono sortait encore il y a quelques mois un album avec le producteur angolais Batida. Les années passent, le son de Konono reste. Le fondateur du groupe Mingiedi Mawangu (décédé en avril 2015 à l’âge de 85 ans) a depuis 2009 transmis les rênes de la machine à danser congolaise à son fils Augustin mais ça reste toujours autant la fête et Dour fait des farandoles dans la moiteur du Labo (le chapiteau le plus chaud du week-end). African fever…

Pixies. On devrait interdire à Frank Black de jouer des morceaux des Pixies post reformation. On devrait peut-être même lui interdire d’en enregistrer. En attendant, le gros Charles, des tubes, il en a à la pelle. Gouge Away, Dead, Bone Machine, Wave of Mutilation, Monkey Gone to Heaven, Here Comes Your Man, Where Is My Mind (que beaucoup des festivaliers ne doivent connaître que grâce à Fight Club), Caribou ou encore Debaser… C’était pas le meilleur concert qu’on ait vus d’eux, pas le pire non plus. Pendant une heure et demie, les Pixies, en mode montagnes russes, ont joué les juke-box. Et comme dans les cafés, les juke-box, il y a toujours un mec pour y sélectionner quelques chansons pourries. Paz Lenchantin (Entrance Band) s’en sort avec les honneurs (pas évident de faire oublier Kim Deal). Frank Black sait toujours hurler (même s’il a parfois du mal à chanter). Les Pixies ont donné un concert de fin. Fin de Dour (on rend les armes), fin de l’innocence (celle du début des années 90) et fin du rock (celui qui parle aux jeunes). Un concert pour trentenaires.

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