Philippe Cornet

De CBGB à BCBG

Philippe Cornet Journaliste musique

Quand l’emblème du punk new-yorkais devient une « brand » comme une autre, cela donne biopic, festival ciné et concerts gratuits à Time Square…

Samedi 12 octobre: un billboard géant barré de « CBGB » trône en plein Times Square, juste au-dessus des news et des cotations boursières. Le club miteux découvrant au mitan des seventies l’essence du punk américain dans le quartier cramé du Bowery new-yorkais est désormais une marque déclinée sur de multiples fronts. C’est aussi l’histoire d’Hilly Kristal (1931-2007), fondateur du CBGB, gamin juif qui grandit dans un élevage de poules, propriétaire d’un chien qui chie partout -motif récurrent du biopic cliché qui sort maintenant aux USA- avant de débusquer un bar borgne au sud de Manhattan. Là, dès décembre 1973, s’ouvre un endroit dédié aux Country, Bluegrass & Blues… S’y pointe un groupe qui n’a strictement rien à voir avec ça. Television va donc inaugurer toute la clique des Patti Smith-Talking Heads-Blondie-Ramones, le CBGB devenant le quartier général du punk new-yorkais à l’été 1974, donc bien avant que Londres ne découvre les Pistols. Hilly se met alors en tête de devenir manager des Dead Boys, braillards de Cleveland, nettement plus doués pour l’autodestruction que pour la musique.

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Quand Kristal meurt en 2007, la flambée immobilière qui gentrifie le Bowery a déjà sanctionné la fermeture de son CBGB, le 15 octobre 2006. Entretemps, Patti Smith et les autres susnommés sont devenus des « classiques rock » et le CBGB bientôt un emblème ricain au même titre que Walmart ou Burger King. On s’étonne néanmoins que la célébration de cette vague punk new-yorkaise, tellement vue à ses débuts comme lépreuse et a-commerciale, s’exhibe désormais à grande échelle, dans un festival ciné, du merchandising ou une série de concerts gratuits à Times Square -avec Grizzly Bear, My Morning Jacket, James Murphy… Illustrant combien toute notion de rébellion, fût-elle musicale, est aujourd’hui scannée, mâchonnée, récupérée, médiatisée après plan marketing, bref largement expulsée de son sens initial. Les pessimistes diront que le punk est mort le jour de 1977 où The Clash a signé chez CBS, et que le grunge a récupéré le sillon commercial du No Future via la génération MTV il y a déjà 25 ans. Mais voir le même jour le faiblard biopic et deux podiums autour de Times Square gardés par les bons flics du NYPD, le tout sous emblème CBGB, reste une vision décalée. Comme le club du Bowery devenu aujourd’hui magasin de fringues chics.

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