Daniel Darc l’éternel
L’ex-Taxi Girl, auteur d’une poignée de grands albums en solo, s’est éteint ce jeudi à l’âge de 53 ans. Nous le rencontrions en 2008: interview et portrait nostalgiques.
Darc Night. Pas de doute, le Daniel Darc 2008 a quitté le rayon loosers. En mai, aux Nuits du Bota, accompagné d’un groupe rock, intense et juste, l’ex-Taxi Girl trouve l’équilibre suprême entre la tension mélancolique de sa musique et l’indispensable rigueur live. Loin des titubations éthyliques d’autrefois (?), ce Daniel de Bruxelles rend hommage à ses belles chansons, tenant sa voix aussi raide que les guitares furent électriques. Du grand rock, vraiment.
Darc Day. Quelques heures avant le concert, dans le lobby d’un hôtel modern-kitsch de la rue Royale, au gré des bières, Daniel commence par vingt minutes d’explication sur ses tatouages. Le D.O.A. (Dead On Arrival) dans le dos, les dates de naissance et de mort de Presley sur les poignets, un coeur sacré sur la poitrine, un singe sur le dos (le signe de manque chez les junkies), la fiche de L’homme au bras d’or sur l’un des bras, ceux-ci étant recouverts aujourd’hui de bleu total. C’est pas Yves Klein, c’est Darc. Il parle généreusement, avidement, d’une manne de sujets.
La douleur physique:« J’ai été tatoué au Magnum, vingt-trois aiguilles, une sorte de brûlure. Le pire, c’est dans les côtes: on comprend la douleur des esclaves. Aucun plaisir mais cela se mérite. C’est pour cela que je suis attiré par le tatouage, c’est l’anti-piercing qu’on peut enlever quand on veut. Le tatouage, tu ne l’enlèves pas, tu l’as… Un mec qui regrette ses tatouages, c’est un branleur. »
La religion et la mort. Daniel est chrétien converti depuis début 1997, suite à la mort de son père juif qui ne croyait pas en Dieu. « Ma mère est goy catholique convertie, j’étais juif, je voulais même être rabbin, j’ai fait la bar-mitzvah, j’ai été anarchiste, j’ai fait un mois de prison en 1989 pour vente d’héroïne. J’ai arrêté le deal et la poudre il y a quinze ans. A un moment, j’ai chopé un mois de coma pour staphylocoque doré, endocardite, pleurésie, septicémie. Dieu merci, je n’ai pas chopé le sida alors que je me shootais avec des gens comme Pacadis (ndlr, journaliste-junkie français mort en 1986 à 37 ans, poignardé par son amant transsexuel) dont je savais qu’il l’avait. Je suis protestant. Je crois en la foi mais pas au mérite, contrairement au catholicisme justement. Je crois d’ailleurs que c’est ma foi qui rend mes chansons meilleures. Pour Crève-coeur, j’étais prêt à convaincre le monde entier, pour le nouvel album Amours suprêmes, je crois toujours mais je suis bourré de doutes. »
La langue française:« J’espère qu’il y a de la douceur, de la sensualité, dans mes mots. On en revient toujours à Gainsbourg et à certaines chansons réalistes, comme celles de Fréhel et Marianne Oswald. Piaf aussi, qui est notre Billie Holiday: on a ce que l’on mérite… J’espère ne pas être daté, je ne me sers pas de l’argot, du verlan, du javanais qui sont des langues de réaction contre les flics par exemple… Sincèrement, je n’aime pas Rimbaud, peut-être parce que je n’ai peut-être pas assez de connaissances pour cela – je ne parle pas latin – mais Verlaine, lui, est une obsession. Et pour m’enfoncer, j’ai du mal avec Proust… Personne ne relit Proust, merde, personne ne l’a terminé! »
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