Critique | Musique

Dan Penn – The Fame Recordings

Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

SOUL | Héros oublié de la soul sixties, Dan Penn a droit à une sublime compilation de démos, gravées à Muscle Shoals. On dirait le sud…

DAN PENN, THE FAME RECORDINGS, DISTRIBUÉ PAR ACE RECORDS. ****

Attention légende! Si le nom ne dira pas forcément grand-chose au grand public, pour les amateurs de soul music, Dan Penn fait figure de héros. Un héros de l’ombre, mais qui a contribué à quelques-unes des pages les plus glorieuses de la musique du sud des Etats-Unis. Il est par exemple derrière le standard The Dark End of the Street, chanté en 67 par James Carr, et repris depuis par des dizaines d’artistes, de Cat Power à Bruce Springsteen. La même année, avec son camarade Chips Moman, il a également pondu Do Right Woman, Do Right Man, l’un des classiques d’Aretha Franklin. Pour ces deux seuls faits d’armes, Dan Penn mériterait déjà une place de choix au panthéon de la soul. Mais il y a bien plus, comme le démontre cette nouvelle compilation revenant sur les années passées au sein du mythique label Fame de Rick Hall…

Pépites

Le contexte d’abord. Dan Penn naît en 1941, dans l’Alabama. Il grandit dans la région de Muscle Shoals. Autant dire le fin fond du sud, ségrégationniste et bigot, en pleine Bible Belt. Dans le poste, il y a essentiellement de la country. Mais Dan Penn est également fasciné par le gospel qu’il entend dans les églises noires de la région. Il est également scotché par les « race records » et le r’n’b qu’il entend sur une radio comme WLAC à Nashville, vouant un culte à Bobby « Blue » Bland ou Ray Charles. Il partage notamment cette passion avec un autre blanc-bec, Rick Hall, original notoire, objecteur de conscience pendant la guerre de Corée. Ils se retrouvent d’abord ensemble dans le groupe The Fairlanes, dont Dan Penn tient le micro. Quand Hall monte son propre studio, d’abord à Florence, puis quelques kilomètres plus loin, à Muscle Shoals, dans un ancien entrepôt de tabac, il intègre Penn à l’équipe, en tant que songwriter, producteur…

Paumé en pleine cambrousse, le FAME studio va rapidement devenir un lieu incontournable. L’un de ses plus illustres clients, Wilson Pickett, va y graver des tubes aussi insubmersibles que Land of 1000 Dances ou Mustang Sally. Dan Penn est présent, ne perd pas une miette, et sort lui-même une paire de singles. Les titres présents sur la compilation éditée aujourd’hui par Ace Records restent cependant largement inédits. Gravés entre 1964 et 1965, souvent le soir tard, après les sessions pratiquées pour les autres artistes de passage, The Fame Recordings sont une vraie bénédiction. Des petites pépites de soul mal dégrossie, rugueuse et brute de décoffrage. Par moments, Penn a presque des accents rauques à la Sam Cooke (I’m Living Good), tandis qu’ailleurs (Power of Love), il lorgne distraitement du côté du son plus pop de la Motown. Tout comme chez Stax, l’écurie rivale de Memphis, les musiciens présents sont pour la plupart blancs. Mais la dévotion et la passion avec lesquelles ils embrassent le genre fait des miracles. Compositeur instinctif, Dan Penn pose ainsi les bases d’une écriture limpide, à la fois romantique et terrienne. De quoi rendre ces Fame Recordings indispensables à tout amateur de soul music…

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