Couleur Café J2: café serré

© Philippe Cornet

Hier, Couleur Café affichait un peu moins de 27.000 entrées, quasi sold out: premier parfum de succès confirmé par ce samedi sous ciel faussement orageux qui affiche lui, complet.

Hier, CC affichait un peu moins de 27 000 entrées, quasi sold out: premier parfum de succès confirmé par ce samedi sous ciel faussement orageux qui affiche lui, complet. Demain dimanche devrait laisser un peu de place aux acheteurs de tickets retardataires d’un festival déjà fameux pour avoir déménagé à domicile, reculant son bazar plus où l’ouest, autrefois terrain vague en friche. L’ancien parking sous béton et verrière géante abrite désormais la république du bien manger avec sa montgolfière et ses sagas de restaurants servant de la calorie exotique. A voir les bananes plantins et le poulet du repas de la jeune fille me faisant face, on se dit que les Tropiques se méritent. Parce qu’à ma dixième-douzième visite du festival, je ne me lasse pas du décorum: où ailleurs rencontre t’on une serveuse de stand à sauce arachide qui ressemble autant à Nina Simone ? Si CC fait le plein par son affiche -apparemment le crooner caraïbe à pantalon bas Sean Paul attire une partie du peuple du samedi- on peut parfaitement y passer un weekend à glandouiller autre chose. Et pas seulement à zieuter tout le grandiose d’un festival au coeur de la ville, sa silhouette de buildings manhattanesques dont le vitrage se reflète dans le soleil couchant genre.

Il y a par exemple l’expo « Nature, je t’aime moi non plus » tenue sous une sorte de galerie-bungalow qui rentre dans le terrain telle une mandibule bien intentionnée. La plupart des oeuvres sont des photos grand format de cocos ayant détourné les attentes naturalistes (naturistes ?) pour confectionner des images puissantes, souvent imaginatives. Juste en bordure de la provoc et d’une sensualité inattendue, comme les deux ours (brun et blanc) pas si polaires que cela, de Pascal Bernier, présentés en 3D sodomite.

Humour tactile comme la banane-pénis ou inspiration plus mélancolique à l’instar des silhouettes végétales de Jacques Dujardin (…). Bon, même si on n’est pas forcément là pour une leçon d’art contemporain, l’idée de plonger physiquement l’expo au coeur même du festival et de la musique -plutôt que de l’enfermer intra muros comme auparavant- nourrit l’imagination du spectateur, lui donne des atomes supplémentaires. Avant de passer aux chapiteaux, on jette un oeil aux sculptures métalliques d’un groupe de parisiens venus faire chauffer le métal et la soudure sur des objets morts: une araignée géante à l’abdomen bricolé par deux bidons, fait impression. « On la mettra peut-être en vente demain » dit l’un des tripoteurs d’acier.

Et la musique me direz-vous ? Une proche rumeur fiable nous dit que Caravan Palace a cartonné avec un swing dératé, ramenant des vieilleries d’avant-guerre (peu importe laquelle) dans un set moderne et généreux en Vitamines B. Kaer que l’on croise extatique devant le podium où se trémousse De La Soul (on y vient) a donné un concert libératoire, latino, piquant, renversant l’idée que le rap belge -même si son auteur est autant équatorien que liégeois- ne serait qu’une pauvre tiédasse décalquée de nos « glorieux » voisins français. « Fallait voir la réaction des gens dit Kaer je me sens complètement libéré pour les prochains festivals, Dour notamment« . Il y a chez CC, indéniablement, un sens de l’émancipation: on ne parle pas seulement de leurs bonnes intentions environnementalo-tiersmondistes (…) mais d’une jubilation offerte par le rythme. La preuve ? Au chapiteau Univers, des anciens cubains d’Orishas -Ruzzo & Roldan- font bouillir une salsa qui fait trembler les immeubles bénéficiant maintenant d’un Couleur Café qui, déménagement, faisant, s’est nettement rapproché de leur museau… »On n’a pas encore de plaintes » déclare le patron Patrick Wallens, pas sûr pourtant que tout le monde apprécie la salsa en surround à portée de salon. On passe quelques minutes au set de BJ Scott sous un chapiteau Phoenix moyennement bondé, assez pour constater que le guitariste est bon et que le gumbo blues de Madame The Voice, tient toujours le coup sur le macadam poussiéreux de l’éternel fantasme ricain. L’autre rayon old school de la fin de journée, c’est la prestation de De La Soul, venu avec une dizaine de musiciens- où l’on pointe un impressionnant percussionniste à chapeau mou, un flûtiste échappé des petits Mozart à la croix de bois et un claviériste-moogiste peigné comme un roi nègre un jour de mariage. Nos trois vétérans de De la Soul n’ont pas changé depuis notre dernière rencontre -il y a 17 ans ???- et ressemblent de plus en plus aux trois Stooges, les comiques pas les punks d’Iggy, l’un d’eux -dont le prénom bizarroïde m’échappe- paradant sur scène en peignoir et en short extra-long à la Joe Frazier. N’empêche, la formation vintage secoue toutes ses bonnes intentions, cuivres et clavinet compris- devant un public en partie dans le ventre maternel lorsque les premiers délires delasoulesques furent commis. Journée sympa même si avec Sean Paul « en vedette », ce samedi 30 juin n’entrera pas forcément dans les plus fameuses annales couleurcaféesques. Musicalement parlant, veut-on dire.

Philippe Cornet

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