Concerts-tests en Belgique: où est-ce que ça coince?

Une scène presque surréaliste: photo prise au concert-test du groupe Love of Lesbian, le 27 mars 2021, à Barcelone, devant 5000 personnes. © AFP

Début mars, le gouvernement de la Fédération Wallonie-Bruxelles donnait son feu vert pour l’organisation de six événements à vocation scientifique, un par province, histoire d’envisager le déconfinement culturel. Les bruits de couloir annonçaient un premier événement pour la fin mars du côté de Spa. Problème: nous sommes fin mars et aucune date de concert n’a encore été annoncée. Où est-ce que ça coince?

First step: Ykons jouera le premier concert-test à Spa

Charles Gardier est député wallon. Fort de son expérience d’organisateur de festival (cofondateur des Francofolies), il est à l’initiative de ce qui devrait être le premier concert-test de Wallonie. Un projet avec le groupe Ykons qui a permis de dégeler les discussions autour de l’organisation d’événements-tests. Joint par téléphone, il met un point d’honneur à préciser qu’« il ne s’agit pas d’un concert à proprement parler. Il s’agit d’une étude strictement scientifique ».

Sa réflexion part de plusieurs constats. Les salles de concert sont fermées depuis des mois pour éviter la propagation du virus. Mais le gouvernement fédéral n’a pas réalisé d’étude scientifique qui validerait cette mesure. Plusieurs concerts-tests ont eu lieu en Europe, avec des résultats globalement encourageants. Le besoin de culture apparait comme une priorité pour de nombreux citoyens. Le moral global de la population est en chute libre et provoque une conséquence évidente: le respect des mesures imposées par le Codeco plonge sérieusement. Rassemblements sauvages, boîtes de nuit clandestines et infractions diverses et variées se multiplient.

Ykons
Ykons© DR

Second step: tout le monde pète un câble

Pour pouvoir avancer et donner des perspectives réelles au secteur de la culture, de l’horeca et du sport, des tests doivent être réalisés et analysés. Des statistiques, des données doivent être engrangées dans le but de valider (ou non) une réouverture rentable (sans jauge) et sécurisée pour le public. Pour le moment, les infos, personne ne les a en Belgique, et pourtant des décisions sont prises, les restaurants, les bars sont fermés, plus aucun concert n’a pu se donner avec un public depuis des mois, et tout le reste…

Aujourd’hui, c’est un troisième confinement qui est engagé. À la suite de l’augmentation des chiffres de contaminations et d’admissions à l’hôpital, le conseil de sécurité a décidé non seulement de reculer le plan de déconfinement de quelques semaines mais aussi de fermer de nouveau les écoles. Retour à la case départ. Pour Charles Gardier, son projet de concert-test et le reconfinement ne sont pas incompatibles. Il réagit: « Regardez dans les médias. Il ne se passe pas une journée sans voir que les gens n’ont plus de respect pour les mesures. Les gens se rassemblent, sortent pour voir du monde. On le remarque en permanence. Mais on ne pourrait pas organiser des événements purement scientifiques pour donner de la sécurité et des perspectives pour le secteur culturel? »

Third step: un protocole scientifique

Un protocole scientifique est prêt, établi par une équipe de scientifique de l’Université de Liège. L’accord a été donné par la FWB, l’appel d’offres est en cours pour les 6 événements. Là où ça cale, selon Charles Gardier, c’est au niveau fédéral. Un accord du Conseil de concertation est nécessaire pour lancer l’organisation des événements. Le sujet est à l’ordre du jour depuis plusieurs semaines mais le député déplore l’attitude du fédéral: « Ils jouent la montre, ils ne prennent pas conscience de l’urgence de la situation. L’urgence pour plusieurs secteurs qui sont en grande difficulté après plusieurs mois d’arrêt de leur activité mais également l’urgence pour une population en état d’asphyxie psychologique. On doit leur donner de l’espoir en réalisant ces tests. »

Fourth step: la ministre est OK

La ministre francophone de la Culture Bénédicte Linard répondait ce mardi 23 mars en commission parlementaire à une question sur le sujet: « Le marché public a été lancé le 16 mars dernier après un travail acharné de mes collaborateurs qui assurent le suivi de ce dossier. Il s’est achevé hier et nous sommes occupés à analyser les offres reçues dans ce cadre. Le marché de services a été passé par procédure négociée sans publication préalable. Ce choix s’explique par l’urgence. La fermeture du secteur culturel s’éternise et la situation économique et sociale des artistes et des opérateurs est de plus en plus préoccupante. La mise en place d’évènements pilotes autorisés par le Comité de concertation, n’est connue que depuis le 5 mars 2021, et la réouverture du secteur qui était envisagée pour le mois de mai est compromise. La fenêtre d’action est donc très restreinte. Ces délais ne sont pas compatibles avec une procédure avec publication préalable. » Et un peu plus loin: « Le Codeco de vendredi dernier a précisé les modalités d’autorisation de ces activités-tests. Conformément à la notification, une fois les protocoles établis de manière précise pour ces six événements, nous solliciterons donc l’avis du ministre de la Santé Franck Vandenbroucke et de la ministre de l’Intérieur Annelies Verlinden. L’ensemble de ces tests se feront bien entendu aussi en accord avec les bourgmestres des communes concernées. »

L’objectif commun: un rapport scientifique

Les scientifiques, Charles Gardier et Bénédicte Linard prêchent tous le même sermon: construire un rapport scientifique en centrant les informations obtenues. L’idée est de compiler les données des différentes activités scientifiques organisées à valeur de test, de les croiser avec les conclusions tirées des différents événements européens qui ont déjà eu lieu et d’établir un rapport qui validera (ou pas) un retour de la vie culturelle, la réouverture de l’Horeca et des salles de sport. Un rapport donc qui sera utilisé par les décideurs politiques lors des prochains Conseils de concertation. Mais à l’heure où celui-ci vient de serrer la vis pour le mois à venir, on risque bien de devoir se montrer patients…

Divers événements-tests ayant déjà eu lieu en Europe

  • La Philharmonie de Berlin accueillait 1000 spectateurs (un peu moins de la moitié de la jauge totale) le 20 mars dernier. Ce concert s’inscrivait dans un programme de plusieurs événements organisés par la ville de Berlin pour vérifier la réelle contamination dans les lieux culturels. Les tickets se sont écoulés en seulement trois minutes.
  • Barcelone a frappé deux fois. La première car la ville était la première à organiser un concert-test sans distanciation. Il s’agissait du festival Primavera Sound, qui agitait la vie nocturne le 12 décembre 2020. Plus récemment, le groupe indépendant Love of Lesbian euphorisait un public de 5000 spectateurs, ce qui donnait lieu à un décor surréaliste, presque une trace du passé. Il s’agissait d’un des premiers concerts-tests dédié aux musiques actuelles.
  • Le 6 mars, 1300 personnes séparés en cinq bulles se déhanchaient au Ziggo Dome d’Amsterdam.
  • La série de concert « Because Music Matters » organisée par la Rokhal (Luxembourg ville) était ouverte par nos compatriote de Glass Museum à la mi-février. En tout, c’est cinq concerts qui seront donnés en hommage à la musique live
  • Indochine devrait jouer devant 5000 personnes à l’Accor Hotel Arena. La ministre de la culture Roselyne Bachelot a autorisé la tenue de deux concerts d’ampleur en France. Un à Marseille et le second à Paris.

Dans tous ces concerts, la stratégie se basait surtout sur le testing. Les spectateurs ayant l’obligation d’être testés négatifs avant le concert, ils étaient également testé une semaine plus tard. Aucun cluster n’a été notifié à cause de ces événements.

Charles Christiaens

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