Comment Charlie des Stones et Don des Everly Brothers ont marqué l’histoire du rock

Ron Everly et Charlie Watts © Getty Images/Belga Image
Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

Alors que l’été s’achève pluvieux, il bruine aussi sur la musique. Don Everly des Everly Brothers et Charlie Watts des Rolling Stones, tirent quasi-simultanément leur ultime révérence. Octogénaires, les deux ont magistralement, quoi que différemment, façonné la viscérale histoire du rock.

La mort la même semaine de l’américain, moitié des Everly Brothers, le 21 août, et trois jours plus tard, du batteur des Rolling Stones, signe aussi l’effacement progressif d’une essentielle génération. Aîné de quatre ans de Charlie -80 piges- Don Everly marque les Stones débutants comme les Beatles et d’autres à la Simon & Garfunkel, via son duo des Everly Brothers. Décrochant dès la fin des années cinquante, des hits imparables tels que Bye Bye Love, tube blindé de 1957. Mais Charlie -né en juin 1941 à Wembley- s’en fout probablement: son truc d’alors, sa manie, son grigri d’adolescence anglaise, c’est le jazz, le son des années noires d’après-guerre. Parlez-lui donc davantage d’Art Blakey que de Chuck Berry, ce dernier influençant pourtant largement The Rolling Stones, groupe que l’ex-typographe en pub, intègre dès 1963. A l’époque, Don Everly trimballe déjà une énorme startitude en compagnie de son frère Phil. En cause, une manufacture d’harmonies vocales et de mélodies sacrées- mais pas trop- qui marquent au fer rouge les Beach Boys, Lennon/McCartney et plusieurs générations ultérieures.

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Alcool, amphétamines, héroïne

D’un point de vue style, Don et Charlie ne sauraient être plus différents. D’abord, physiquement. Le premier, qui voit le jour en 1937 dans une famille du Kentucky, est un gamin exubérant et d’emblée doué pour la chanson. Genre beau gosse avec grosse chevelure permanentée et sourire bright: la pleine Amérique des années cinquante. Il n’a que douze ans lorsqu’il participe à un show familial sur une radio de l’Iowa. De son côté, Charlie, fils d’un employé des British Railways, est plutôt passe-muraille : genre le petit neveu de Buster Keaton sauce à la menthe.

Chronologiquement, le parcours des Everly et des Stones se croisent: les premiers vont, au fil des sixties, peu à peu, perdre de leur sex appeal, y compris dans les charts, alors que la bande à Jagger, au contraire, ne va cesser de monter en puissance. Au-delà du succès commercial plus ou moins accompli, Watts impose une particularité musicale. Alors que la mode des années soixante annonce des batteurs-moulineurs expansifs -Ginger Baker, Mitch Mitchell- Charlie s’impose comme métronome absolument fiable, sans show inutile. Cette verdeur rythmique est calée sur l’apport contrasté de Jagger et Richards, bavards et démonstratifs. A la fois en scène et à la ville où ces deux Stones-là en particulier, défient ce qu’il convient de nommer « la chronique« . Came, sexe, outrage, Watts semble assez éloigné de tout cela pendant un bout de temps, époux fidèle -malgré les armées de groupies à disposition- à sa Shirley Ann Shepherd, mariée jusqu’à aujourd’hui dès 1965. Même si au cours des bizarres années 1980, le batteur impeccable, se laisse aller à un mélange d’alcool, d’amphétamines et d’héroïne. Qu’il quitte un peu après une soirée très arrosée par Jagger à Amsterdam, en 1984, lorsque le chanteur appelle « son batteur » à cinq heures du matin. Watts n’apprécie pas, s’habille en costard nickel -un de ses dadas- s’invite dans la chambre de Mick et lui met un énorme pain. On imagine la scène écrite par Audiard…

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Elevage de chevaux

Sans philosopher à deux sous, reste que le rock à ce niveau-là, ne saurait être un fleuve tranquille. Après avoir mené le duo le plus marquant de la pop, Don Everly ira se fâcher avec son frère, durablement. Pendant pas moins de dix ans, jusqu’aux retrouvailles lors des funérailles de leur père. Mais lorsqu’ils se retrouvent en 1983 pour une série de concerts, notamment au Royal Albert Hall londonien – visible sur YouTube – leur complicité musicale et émotionnelle, reste impressionnante. Même si entre Don -électeur démocrate- et Phil, nettement plus conservateur, il s’est creusé une faille humaine. Béante. Pendant ce temps-là, entre deux tournées et deux studios, Charlie prend un peu de bon temps en solo et hors-Stones, pour lesquels il travaille également sur les projets de scénographie à grande échelle. Musicalement, la plupart de ses initiatives personnelles converge vers le jazz et le rhythm’n’blues, travaillant avec des artistes tels que Courtney Pine, Jack Bruce ou encore Evan Parker et Bernard Fowler. Sinon, depuis sa propriété du Devon, il élève des chevaux en compagnie de la meilleure amie de l’homme en question, sa femme. A l’écart des grandes cités urbaines, tout comme Don Everly, mort à Nashville, trois jours avant Charlie. Dont la disparition signe probablement la fin des Stones, même s’il était déjà prévu que le groupe tourne sans lui -avec le batteur Steve Jordan- lors d’une tournée américaine cet automne.

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