Comment je me suis pochetronné (ma vie alcoolique)

Envoyez à Arlon un chroniqueur culturel couvrir un festival de musiques et pour peu qu’il soit un peu porté sur la petite goutte, il vous sortira un papier détrempé à la liqueur locale. Sortie de route, track 29, au premier sens du terme.

Bière de la Corne. Du Bois des Pendus. Chouffe Coffee. Mousel. Orval. Rochefort 8°. Eau de vie de grain. Red Bocq. Maitrank. Mega Fuel. Jardin du Schmitzi (gin, vodka, safari orange). Et le shot de Jagermeister à 1,20€. Je ne suis qu’à 182 bornes de mes pantoufles (merci Google Maps), à l’extrême sud de la Wallifornie, mais c’est tout comme si on me récitait la carte du bar en Wolof et à la tarification locale, avec 100 balles en poche, je suis le roi du pétrole. C’est samedi soir à Arlon, baby, et ma cirrhose se fait anthropologue, aventurière, exploratrice de nectars inconnus. A cette heure-ci, à Bruxelles, on finit généralement à peine l’apéritif mais là, alors qu’il est pourtant même pas minuit, ça gondole déjà sec. Ce qui n’est que normal quand on s’est choisi pour point de chute un bistrot qui s’appelle Le Vénitien. Le troquet improbable par excellence, du genre lambris, napperons et tronches épiques. La maison offre les glaçons, les pailles et la musique, est-il dit sur la carte. De fait, la patronne est une grande comique. Elle se fout même royalement de ma balle quand je lui commande du Jägermeister car il semblerait que je prononce cela à la péteuse. Elle me reprend, me fait répéter, la véritable leçon d’allemand. Plus tard, dans ce même rade, à la fermeture, des types au bar beuglent une chanson que je n’ai jamais entendu de ma vie, visiblement un classique du répertoire français. Ils voudraient bien que je chante avec eux mais un choc culturel par heure me suffit.

Quelle idée de mauvais génie j’ai encore eu de descendre à Arlon. L’envie de changer d’air mais aussi d’un peu tâter l’ambiance des Aralunaires, festival de bonne tenue où voir quelques concerts le dimanche et vadrouiller le samedi soir en compagnie de mes amitiés régionales. À peine descendu du train, je croise une connaissance qui m’explique que The Experimental Tropic Blues Band vient de livrer un set diabolique chez un disquaire et que d’autres groupes investissent tout au cours de l’après-midi et de la soirée des lieux originaux; comme le salon d’une entreprise de pompes funèbres, la salle d’un glacier ou encore l’intérieur de quelques boutiques. Même si c’est à priori plutôt tranquillou, j’imagine une ambiance dingue, le chaos dans les commerces, et je me vois aussi bien aller ricaner d’un podium où se produisent des groupes de reprises de Radiohead, Snow Patrol et Patti Smith et puis, terminer au bal populaire, annoncé à tonalité balkanique. Je me dis qu’au pire, cela fera un article coloré, au mieux quelques belles découvertes pour mes oreilles et un mariage au Luxembourg, sait-on jamais, mon célibat endurci loves very mouch les roturières. Seulement voilà, il se met à pleuvoir. Dru. On se réfugie dans un bistrot, où je bois un café pour me réchauffer. L’effet pervers, c’est que la caféine réveille mes appétits festifs. J’ai dès lors vite fait de passer de la lavasse à la Bière au Miel (avec un fond d’eau de vaisselle) et là, bardaf, c’est l’embardée.

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Une petite heure plus tard, on change de crèmerie, pour se retrouver « AU » Cigogne (comme quoi, c’est pas tout de se foutre de la tronche des gens qui disent Jah-guerre-mister!). Présenté comme l’un des plus vieux troquets d’Arlon, « LE » Cigogne est lui aussi très improbable, avec sa tête de sanglier au mur et ses vieilles guirlandes aux lampes. Il se fait qu’il est également doté de deux armes fatales: un babyfoot, jeu auquel je peux me montrer vicieux, ainsi que des verres de Chouffe Coffee, une liqueur du cru qui, chauffée, a un peu le goût du glühwein et beaucoup d’effets comparables à ceux de la cocaïne. Le sport et la défonce folklorique, ça donne faim et nous voilà donc ensuite au resto. Où ça part là aussi totalement en vrille au niveau Valpolicella. Et le pousse-café est pour la maison, ben tiens! A ce train-là, la suite du topo, elle se voit venir comme la tronche de cerf sur l’étiquette de la boutanche de Mick Jaggermoustard. Des Aralunaires du samedi soir, j’ai TOUT raté. RIEN vu. Du tout. Vraiment que dalle. On n’a même pas trouvé ce foutu bal populaire, alors que le centre d’Arlon est pourtant plus petit que mon appartement. Du Maitrank, de la Bofferdink, de la vodka avec du guarana et du gingembre dedans, tous ces machins de fous des bois, ça oui, on a trouvé. De même qu’un bistrot qui bastonnait de la drum and bass à fond les ballons (vodka Red Bull: 3,50€). Mais le bal, non. Un moment, il a été question -sur le ton de la blague, encore que- d’aller s’achever dans une boîte échangiste sur la route de Luxembourg mais en bon citadin ayant plusieurs fois vu le film Deliverance, je crains par dessus tout me retrouver nu au milieu de provinciaux, donc j’ai finalement préféré me coucher. A 2 heures du matin mais à ce niveau olympique de compétition, c’est tout comme si j’étais rentré de la Bulex avec le vingt-troisième métro. Une ardeur d’avance, tu parles.

Serge Coosemans

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