BSF: Feist No More

The Divine Comedy © Philippe Cornet
Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

Météo radieuse sur un 14 août où la Canadienne fait sa diva alors que les jeunesses hip hop Juicy et The Divine Comedy -version Napoléon- mettent de bonne humeur.

« Vous êtes autorisés à prendre des photos du concert de Feist avec les restrictions suivantes: depuis la console son, pour le cadrage ne pas dépasser le plan taille, durant les trois premières chansons. » Hormis cette dernière règle banalisée depuis des lustres, on n’avait pas encore reçu pareil oukaze: dans le mail de Madame Feist relayé par le BSF le jour même du concert, le sosie de Jil Caplan relègue les photographes à une centaine de mètres de la scène (…), l’image ne dépassant pas le « plan taille ». Elle fait quoi Feist? Protéger un goitre débutant ou une vilaine pilosité? On n’en saura rien, puisque mauvaise humeur contre mesquinerie, on laisse tomber la mascarade, alors qu’un PR du festival balance: « T’aurais du voir ce que les photographes ont du signer pour les concerts de Van Morrison et Norah Jones (pas au BSF, ndlr). Quasi avec leur sang. » Soit. On arrive sur la Place des Palais vers 19h15 alors qu’Ozark Henry fait sa reprise de Heroes. Lui aux claviers, voix et chasuble mode -on finira par balancer le nom du relookeur- un batteur, un second clavier et sa copine chanteuse partageant des duos roucouleurs. On aime bien Ozark pour sa dextérité décomplexée: ses mélodies sans honte définissent l’un des seuls belges capables de geindre une chanson radiophonique sans qu’elle ne soit forcément putride. Sans renoncer à mettre un peu de sens, voire d’engagement, dans son sirop: qui d’autre irait dédicacer une mélodie à Molenbeek sans intentions faisandées?

Caresses contagieuses

Comme on n’a pas droit à la voiture de golf utilisée au BSF -sérieux- on calcule le temps de marche entre les quatre espaces du BSF, précisément entre la Place des Palais et La Madeleine. On reste donc face aux bureaux de Philippe Ier en attendant The Divine Comedy. Neil Hannon débarque en complet uniforme napoléonien, bicorne inclus, et ses musiciens en soudards de la Première République. Raccords à l’album Foreverland sorti à l’automne dernier, traitant du pouvoir historique et des monarques fleuris: même si le vaste espace des Palais est loin d’être plein, Hannon a tout ce qui manque (apparemment) à Feist. Et d’abord, l’autodérision: Hannon n’est plus le braquemart prétentieux des nineties, celui faisant le paon au 140, là, il est juste un jouisseur réaliste. Qui sait que donner en se faisant plaisir est synonyme de caresses contagieuses.

Akro
Akro© Philippe Cornet

Ruminant cette philosophie digne de Schopenhauer, on chope les vingt dernières minutes d’Akro à La Madeleine, moyennement garnie. Le boss de Tarmac a la bonne idée d’ajouter un basse-batterie-guitare au DJ, partageant aussi la scène avec une chanteuse. Tout cela carbure d’une rythmique plutôt convenue et de textes engagés, pavés de bonnes intentions: manque quelque chose. La fantaisie sans doute. Au Magic Mirrors, Juicy n’a pas ce problème. Les deux jeunes bruxelloises revisitent le répertoire canaille hip hop des 1990-2000, tirant leur nom d’une comptine de The Notorious B.I.G. Sasha, la blonde qui ressemble à Jacqueline Bisset sixties et Julie, une version soft d’Amy Winehouse sans la moumoute, reprennent le répertoire salace de Missy Elliott ou Tweet, en minimalisme gourmand. Elles bricolent sur leur clavier-jouet et boîte à rythmes de pauvresses, plus une guitare acoustique, et d’une voix de souris commune, gloussent, promettent de la chaleur et multiplient les oeillades. C’est fun et parfaitement bien en place: ces deux filles, qui pensent maintenant compositions originales, iront loin. On parie?

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