Boris Gronemberger: « V.O., c’était impossible à trouver sur Google »

"Aujourd'hui, je suis hyper content du disque. C'est sans doute mon préféré, celui où je suis arrivé le plus près de ce que je voulais atteindre artistiquement." © CÉDRIC CASTUS
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Figure-clé de la scène rock d’ici, vu aussi bien chez Françoiz Breut que chez les Girls In Hawaii, Boris Gronemberger transforme son groupe V.O. en River Into Lake. Et sort son album le plus… limpide.

S’il avait été un acteur? Boris Gronemberger aurait fait une bonne version indie rock d’Olivier Gourmet. Pas tant pour le physique (quoique), mais plutôt pour cette capacité à exceller sans la ramener, à cultiver une certaine discrétion tout en étant omniprésent. Pas besoin d’avoir suivi la scène musicale belge de très près pour l’avoir repéré: depuis pas loin de 20 ans, Boris Gronemberger est à peu près partout. Que ce soit au sein de Venus, Raymondo, Castus, Blondie Brownie, Françoiz Breut et les Girls in Hawaii. Ou encore avec son propre projet, V.O. -trois albums entre 2005 et 2012.

Le multi-instrumentiste aurait pu continuer comme ça longtemps, à jouer l’équipier-modèle. Mais on ne peut pas toujours se cacher. Début 2017, le néo-quadra, tout juste papa, envoyait un mail à ses copains des Girls in Hawaii, pour les avertir qu’il ne siégerait plus derrière la batterie du groupe. « Trois jours plus tard, je recevais une proposition pour faire la première partie de la tournée européenne d’Agnès Obel! Je me suis retrouvé à enchaîner 17 dates, seul sur scène, avec ma guitare, mes petites chansons, devant 2.000, 3.000 personnes chaque soir. C’était le test ultime pour savoir si ça valait la peine de tout lâcher pour me consacrer davantage à ma musique. Il se fait que cela s’est super bien passé… »

Aujourd’hui, il sort donc Let the Beast Out. Avec les mêmes camarades de jeu. Mais plus sous le nom de V.O. -« impossible à trouver sur Google« , rigole-t-il. Désormais, c’est donc River into Lake qui sert d’embarcation principale à celui qui accepte enfin son statut de leader -« même si paradoxalement, c’est le disque où il y a eu le plus d’interactions avec les autres! »

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Une ardeur d’avance

Dans le clip de Downstairs, Boris Gronemberger erre dans les forêts de son enfance, près de Bouillon, vêtu d’un grand one-piece en fourrure rose. Une anomalie dans le paysage, comme il devait déjà l’être un peu ado, dans une cité où le principal événement de l’année reste la fête médiévale… « Il n’y avait rien, ni concert, ni festival, ni scène. À part celle qu’on a essayé de créer » (rires). Il forme son premier groupe « noisy pop » à treize ans, Hazy Field. Cédric Castus et Frédéric Renaux -respectivement guitariste et bassiste dans V.O./River into Lake- sont déjà dans le coin. « On avait même enregistré une cassette, tirée à 100 exemplaires. Il faudra que je la mette un jour en ligne » (sourire). Suivront Brenda Venus -« plus Brit pop« , puis When We Leave the Ground. « On avait 16, 17 ans, on y allait à fond, mais sans aucune idée de comment se faire connaître. »

Une fois les secondaires terminées, Boris Gronemberger décide de se tailler, direction le Jazz Studio à Anvers. L’isolement est rompu. De connexion en connexion, il se retrouve à frayer avec la scène bruxelloise. Rapidement, il est engagé dans le groupe de Françoiz Breut. « C’est là que tout a commencé… » Ironie du sort: lui dont la culture musicale est quasi exclusivement anglo-saxonne -« aucun morceau en français ne m’a jamais fait pleurer« – se retrouve à jouer pour l’une des musiciennes les plus en vue de ce qu’on appelle alors la « nouvelle chanson française ». Sur le dernier disque officiel de V.O., On Rapids, en 2012, Boris Gronemberger s’y était bien timidement essayé. Avec Let the Beast Out, tout passe cependant à nouveau par l’anglais. Et par les synthés. Lui qui se voit encore écouter Vangelis dans la voiture du paternel ou, à l’âge de quatre ans, « disséquer la pochette du Animals de Pink Floyd, le casque sur les oreilles« , a replongé dans les nappes. « Les claviers ont toujours été présents, mais la plupart du temps au second plan. Ici, j’ai renversé la vapeur. »

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La vie de musicien est toutefois rarement un long fleuve tranquille. Pour réaliser le disque, Boris Gronemberger lance une campagne de crowdfunding, rapidement bouclée, via la structure française Microcultures. Il reçoit également une aide de la Fédération Wallonie-Bruxelles, mais réduite à peau de chagrin. « En gros, on m’a expliqué que le projet n’était pas assez grand public. Ce qui est un peu bizarre, si l’on ne tente pas au moins le coup. » De fait, la musique à combustion lente de River into Lake aura du mal à rivaliser avec celle, au hasard, d’Ed Sheeran dans les hit-parades. « Je lis ici et là qu’elle est exigeante. OK, je veux bien l’assumer. Mais l’est-elle davantage que celle de groupes américains qui remplissent l’AB? Et puis la musique, c’est comme le cinéma: moi aussi, je me tape souvent des blockbusters, mais parfois j’ai envie de voir un Gus Van Sant, qui va m’amener autre chose. »

Sinueux certes, mais pas tortueux pour autant, Let the Beast Out est peut-être bien l’album le plus limpide de l’intéressé. Il a pourtant failli ne jamais voir le jour. « Au début de l’année, j’ai craqué. Au point de ne plus être certain de vouloir encore faire de la musique. » À force de courir derrière les budgets, d’animer les réseaux sociaux, d’envoyer des centaines de mails, la plupart sans réponse, Boris Gronemberger s’est épuisé. « À l’époque, les punks faisaient également tout eux-mêmes. Sauf qu’aujourd’hui, tout va beaucoup plus vite. Et j’avoue que j’ai parfois du mal à suivre. Ça fait seulement un an que j’ai un smartphone. Mais je suis presque en train de me dire que je vais me racheter un vieux Nokia » (sourire). Finalement, Boris Gronemberger filera se mettre au vert pendant un mois, dans ses Ardennes, avant de remonter la tête et de… lâcher la bête. C’est d’ailleurs un peu le propos de Let the Beast Out: non pas quitter la partie, mais faire un pas de côté, prendre le temps de se (re)trouver, loin des pressions d’un monde en pleine surchauffe, miné par les idéologies ou des religions dévoyées. « Aujourd’hui, je suis hyper content du disque. C’est sans doute mon préféré, celui où je suis arrivé le plus près de ce que je voulais atteindre artistiquement. Ce qui est plutôt chouette. » On confirme.

River Into Lake, Let the Beast Out, distribué par Humpty Dumpty. ***(*)

En concert le 30 avril 2020 au Botanique, accompagné d’un quatuor à cordes, dans le cadre des Nuits.

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