Critique | Musique

Bobby Womack – The Bravest Man in the Universe

© Jamie-James Medina
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

SOUL | Remis en selle par Damon Albarn, la légende Bobby Womack sort un grand album de soul moderne et crépusculaire.

BOBBY WOMACK, THE BRAVEST MAN IN THE UNIVERSE, DISTRIBUÉ PAR XL RECORDINGS. ****

Depuis une dizaine d’années, le procédé est devenu une figure de style en soi: de jeunes producteurs viennent au secours d’une vieille star, soit tombée dans l’oubli, soit rangée depuis longtemps au rayon tricard. Johnny Cash remis en selle pour une dernière ligne droite par Rick Rubin, Wanda Jackson produite par Jack White ou encore Gil Scott-Heron qui sort un ultime chef-d’oeuvre juste avant de passer l’arme à gauche… On peut d’ailleurs entendre sa voix en intro de Stupid, l’un des morceaux de The Bravest Man In The Universe, premier album de Bobby Womack depuis des lustres (un dernier essai sérieux au milieu des années 90).

L’homme est ce qu’on appelle une légende. Connu notamment pour le tube soul seventies Across 110th Street (merci Tarantino), il a pondu le premier hit des Rolling Stones (It’s All Over Now), collaboré et/ou écrit pour Aretha Franklin, Joe Tex, Wilson Pickett, Janis Joplin, Sly & The Family Stone… Bobby Womack est aussi un survivant: au compteur, une vie amoureuse tumultueuse (guitariste de Sam Cooke, il épousera sa veuve, trois mois après l’assassinat de son idole), une sévère addiction aux drogues dures, et dernièrement des ennuis de santé à répétition (sa bataille, gagnée, contre le cancer du côlon).

Tire-larmes

Le voici aujourd’hui relancé grâce aux bons offices de Richard Russell (le patron de XL Recordings, déjà responsable du dernier Gill Scott-Heron) et Damon Albarn. Déjà sur le dernier album de Gorillaz, Bobby Womack avait fait une apparition remarquée (le morceau Stylo). A bien des égards, The Bravest Man In The Universe repart sur les mêmes bases. Womack geint des tire-larmes soul sur des programmations électroniques crépusculaires: le superbe Whatever Happened To The Times sonne par exemple comme une suite de Cloud of Unknowing. Mais l’exemple le plus brillant est certainement Please Forgive My Heart. « I’m a liar/I’m in a dream », chante celui qui a été élevé dans le gospel, sa voix granuleuse et écorchée donnant des frissons. Vous pouvez toujours chercher, mais il y a de fortes chances que vous n’entendiez rien d’aussi remuant cette année. Du coup, quand la hype Lana Del Rey vient donner la réplique sur Dayglo Reflection, le combat semble inégal (là où, par exemple, Fatoumata Diawara ne feint pas l’épaisseur des années qu’elle n’a pas, sur Nothin’ Can Save Ya). Alors, certes, l’album n’est pas parfait, n’étant pas tout à fait le chef-d’oeuvre annoncé. Mais même brouillé par un titre aussi inutilement sautillant que Love Is Gonna Lift You Up, The Bravest Man In The Universe reste un album soul unique de la part d’un artiste majeur.

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