Blur sort le fouet

Blur, Londres, 20 mars 2015, concert de présentation de The Magic Whip. © Dan Massie
Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

Vendredi, lors de deux concerts ultraprivés à Londres, le groupe a donné un avant-goût de son prochain album, The Magic Whip, le premier en 12 ans. Compte-rendu.

Portobello road. Juste après le pont, il ne faut pas louper l’adresse. Au numéro 278, le magasin de disques/label Honest Jon’s est une vraie caverne d’Ali Baba: funk seventies, musique folk turque, japonaiserie sixties, psyché-rock iranien prérévolutionnaire… Le monde est là. Et donc forcément Damon Albarn, ce globe-trotter, pas très loin. Non seulement parce qu’il a mis des sous dans le label. Mais aussi parce qu’en cette après-midi post-éclipse, quasi printanière, le chanteur de Blur a été repéré dans le quartier avec son groupe. Au programme : deux show-cases enchaînés dans la journée pour présenter le nouvel album du band.

A quelques dizaines de mètres de là, le Mode est un tout petit club, sorte de bunker planqué sous un viaduc. Quelque 300 personnes s’y pressent, dispersées entre l’étage et la fosse. Au-dessus du public a été accrochée une réplique géante d’un Spitfire : les grandes manoeuvres, c’est là maintenant. .The Magic Whip sort en effet dans un mois. Il s’agit du premier album depuis la reformation du groupe entamée en 2009, à Hyde Park. Le premier depuis Think Tank, publié il y a douze ans maintenant. Autant dire un événement. L’un de ceux susceptibles de remuer les (derniers) amateurs de rock.

Les groupes capables de mettre à profit leur période d' »hibernation » sont rares. À vrai dire, Blur tient même de l’exception: grâce surtout aux escapades musicales d’Albarn (de Gorillaz à Mali Music), le groupe a gagné par ricochet une aura, un statut, qu’il n’imaginait probablement pas acquérir quand il s’est séparé. Même la reformation, exercice généralement suspect, a été accueillie et célébrée comme un retour en grâce. Moins vue comme une manoeuvre mercantile que comme le come-back d’une bande de potes, trop contents et émus de rejouer ensemble.

Ne manquait donc plus que le disque. The Magic Whip est prévu pour le 24 avril. Pas avant, ni après, comme à la « bonne époque ». Hormis deux premiers titres livrés par le groupe (Go out; et depuis vendredi, There Are Too Many Of Us), rien n’a filtré sur le Net, et en 2015, cela semble presque suspect… Ce vendredi après-midi pourtant, Blur va lâcher un peu de lest. Au More, le groupe a prévu de jouer l’intégralité du nouvel album, dans l’ordre des morceaux. Sur le coup de 15h, ils montent sur la petite scène: Coxon à gauche, Alex James à droite, Albarn et Dave Rowntree derrière sa batterie au centre. Sur le côté, un percussionniste est tapi dans l’ombre, tandis qu’au balcon, on a encore réussi à caler 4 choristes black à gauche, une section de cordes à droite.

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L’exercice est forcément un peu étrange. Aligner les titres d’un disque que personne – ou très peu de monde en tout cas – a encore pu écouter. « No album review », insiste malgré tout le management. D’accord. Forcément même… Cela étant dit, on peut quand même écrire que l’on a déjà trouvé probablement l’un des grands morceaux de l’album, ou en tout cas la chanson-pivot. Pas compliqué d’imaginer la dimension politique de There Are Too Many Of Us, rumination sur l’état du monde, qui sur scène démarre comme une marche militaire synthétique. Albarn fait le salut tandis que le track s’emballe. Juste derrière, Ghost Ship paraît du coup d’autant plus solaire. Alex James fait le job: sa ligne de basse chewing-gum fout forcément la banane.

Même si on a eu l’occasion de revoir Blur depuis sa reformation (énorme à Werchter en 2013), l’enjeu est aujourd’hui différent, le moment particulier. Étrangement pourtant, tout se passe comme si le band s’était à peine arrêté. Tout roule, et semble couler de source. C’est aussi probablement ça qui les a poussés à se remettre au boulot et composer un album. En mai 2013, Blur était en route pour Tokyo avant que le festival auquel il était programmé ne soit finalement annulé. « Coincés » à Hong Kong pendant 5 jours, le groupe en profitera pour rentrer en studio et enregistrer la matière de The Magic Whip… L’histoire de l’album s’arrête à peu près là. Aussi simple que ça. Sans prise de tête. Un peu comme le concert du jour. Il faut les voir arriver: Alex James la clope au bec, Dave Rowntree et ses lunettes anonymes, Albarn en jeans-t-shirt, la palme revenant à Graham Coxon, autiste magnifique: avec son pantalon usé tâché de peinture, il donne l’impression d’avoir encore terminé un chantier avant de venir…

Sans chichis, mais pas sans effet, ce pourrait donc être ça, Blur, en 2015. Un groupe conscient de son héritage, y compris celui engrangé par chacun de ses membres. Une balade comme My Terracotta Heart, par exemple, aurait pu se retrouver sur le Everyday Robots, l’album solo d’Albarn paru l’an dernier. Un peu comme Thought I Was A Spaceman, autre temps fort du set, qui démarre dans les nuages pour s’électriser petit à petit. Plus loin, le chanteur explique encore: « Hong Kong a beaucoup inspiré le disque, aussi bien pour sa géographie physique que métaphysique. Mais cette chanson-ci parle d’une tout autre ville, d’une tout autre atmosphère ». Une atmosphère oppressante en l’occurrence, pour le morceau baptisé Pyongyang – Albarn a visité la capitale coréenne en 2013 -, sur lequel vient se fracasser la guitare orageuse de Coxon. A côté de ça, Blur se contente aussi par moment de juste lâcher les chevaux. C’est le single Go Out, simple, efficace. D’autres exemples? I Broadcast, avec ses wouhouahahah. Ou Ong Ong, et ses lalalala. De la pop hooligan qui ne refait pas le monde. Et c’est parfois très bien comme ça.

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