Beatles Day à Mons : à la rencontre des Beatlemaniaques

© Olivier Donnet
Julien Broquet
Julien Broquet Journaliste musique et télé

Chaque année, le temps d’une journée, Mons célèbre John, Paul, George et Ringo à coups de concerts, de marchés, de conférences et d’expos. Visite au royaume des Beatlemaniaques, du sergent poivre et des sous-marins jaunes…

Drapeaux Classic 21, promeneurs aux T-shirts Revolver, bagnole immatriculée « Beatles »… No doubt: on n’est pas à l’entrée du salon de la bière avec lequel les fans des quatre garçons éternellement dans le vent partagent l’immense Mons Expo en cet ensoleillé week-end d’octobre. Expositions, conférences, concerts… A deux pas de la gare encore en chantier de Calatrava se tient le 29e Beatles Day. Dans la ville du Doudou, d’Elio et de Suarez, aujourd’hui, on mange du fish and chips au son de Sergent Pepper, achète des tasses à café à l’effigie des Fab Four et on se fait caricaturer en mode Ringo Starr par un mec (Gérard Eléouët) qui a illustré un bouquin de Ruquier.

Beatles Day à Mons : à la rencontre des Beatlemaniaques
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Une petite foire aux disques et une expo de pochettes constituent les seules entorses au régime beatlesien du jour. Les fans fouillent dans les disques, fouinent parmi les poupées, les figurines et les fripes. Des godasses trendy aux pulls de grand-mère en passant par les chaussettes et les caleçons. « Une année, j’ai vu des salières et des poivrières. Il y avait même une grosse valise contenant des balles de golf avec leurs têtes dessus et les clubs qui allaient avec.« Geoffrey, qui ressemble plus à Robert Plant qu’à Paul McCartney, dénote un peu dans le paysage avec ses cheveux bouclés et sa veste en jeans Iron Maiden. « Le progressif, le psychédélique, le hard rock… John, Paul, George et Ringo ont été précurseurs dans un tas de domaines. Si bien que quand on est fan d’un groupe quel qu’il soit, on le doit quelque part un peu aux Beatles. »

Plus loin, Jacques fait ses emplettes. « Je suis venu ici parce que je suis divorcé et parce que ma femme a tout gardé. Enfin non, je lui ai tout laissé. Il n’y a que deux moyens de reconstruire sa collection Beatles: eBay et les conventions où on peut discuter avec de vrais passionnés. Moi, je préfère voir ce que j’achète et je ressens un vrai plaisir à chercher. Je ne dépense pas des sommes folles. Je paie forcément cher comparé à ce que ces albums m’avaient coûté à l’époque mais dans le temps je gagnais 900 francs français (130 euros) et je pouvais juste m’acheter un ou deux disques par mois.  »

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Les Beatles sont entrés dans sa vie quand il avait 18 ans. « C’était une révolution musicale. Avant eux, on avait Dalida et Tino Rossi, Charles Aznavour et Sacha Distel. Puis, les Beatles étaient comme nous: ils n’étaient pas pauvres mais venaient des petites gens. » Aujourd’hui, Jacques travaille dans la justice et manage les Rythmles, un cover band d’Amiens composé de trois avocats, d’un médecin et d’un routier. « Je suis un peu leur Brian Epstein. »

Rock, classique, jazz, mambo… Selon Bernard Maton, vice-président de l’événement montois, il existe environ 10 000 groupes spécialisés dans les reprises des Beatles. Ils viennent du Brésil, du Venezuela, des Balkans. Il y en a des déguisés. Certains même en ont fait leur métier. « Les Beatles qui ont initié beaucoup de choses dans l’histoire de la musique sont à l’origine des cover bands, explique-t-il. Le phénomène a commencé avec eux avant de se propager. De plus en plus de très bons musiciens intègrent d’ailleurs des groupes de reprises. Il n’est pas évident de percer. Alors, ils jouent une musique qu’ils aiment et qui plait aux gens. »

Beatles Day à Mons : à la rencontre des Beatlemaniaques
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Initié par Alain Cardon, Montois à la fibre organisatrice et bénévole, le Beatles Day a vu le jour au Waux Hall en 1988. Il avait alors réuni trois cover bands et séduit 500 à 600 spectateurs. Aujourd’hui, il accueille une dizaine de groupes et fédère environ 2 000 personnes. « En 1987, on est partis à Liverpool avec un pote pour les 20 ans de Sgt. Pepper, se souvient-il. On a découvert la ville, le festival de Mathew Street et la convention Beatles à l’hôtel Adelphi. C’était la Caverne d’Ali Baba. Sur le bateau du retour, on s’est mis en tête d’organiser ce genre d’événement à Mons. Je suis né en 1951. Ce que j’aime chez les Beatles, c’est la musique bien évidemment. Leur son. Ce qu’ils ont transmis avec leurs chansons. Mais aussi la gentillesse, la bonne humeur et la joie de vivre. Je n’ai jamais vu un Beatles tirer la gueule, se permettre un bras ni même un doigt d’honneur ou faire des crasses comme on en voit maintenant. Aujourd’hui, on se sent obligés de se foutre à poil sur une scène. Montrer des nichons ou des culs, ça ne sert rien… Yesterday, c’est quand même quelque chose. Yellow Submarine, c’est coloré. C’est la vie. Les T-shirts avec des têtes de mort, moi, j’ai toujours trouvé ça ridicule. »

Les garçons bouchers

Beatles Day à Mons : à la rencontre des Beatlemaniaques
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Ici, Guy Delhasse dédicace son rock roman, Les Abeilles rôdent, qui commence à Hambourg et joue avec l’histoire de son groupe préféré. Là, l’ingénieur du son Ken Scott qui est entré aux studios EMI (plus tard rebaptisés Abbey Road) à seize ans, raconte photos à l’appui comment il a bossé sur Helter Skelter, Back in the U.S.S.R., I Am the Walrus ou encore Hello, Goodbye. Tandis que les « Beatsiciens » se succèdent devant un public encore sage, Fabrice exhibe fièrement l’album Yesterday and Today habillé de sa controversée « Butcher Cover ». John, Paul, George et Ringo avec des blouses de bouchers, entourés de viande et de poupées décapitées. « Ce disque est sorti en 1966 et la pochette a fait scandale parce qu’un peu hard pour l’époque. Mais plutôt que de tout envoyer au bac, ils en ont juste collé une autre dessus.«  »Et des fans ont découvert qu’en dessous se cachait l’ancienne, ajoute son pote James. Si la pochette a été retirée correctement avec une presse à vapeur, ça vaut vraiment beaucoup d’argent.« 3950 euros sur Discogs… »On appelle ça « un pelé », reprend Fabrice. Perso, j’ai toujours aimé tout ce qui est anglais. D’ailleurs, je roule en Rolls. » « Une Rolls de 1954, l’année de sa naissance. »

En face, Pierre-Marc Aubry, un autre Beatlemaniaque, tient son stand et fait visiter sa petite expo. Pierre-Marc possède 3 000 vinyles des Beatles en pressage original (« pas de réédition à la maison, interdit par le règlement« ) et complète sa collection au volant d’un taxi anglais de 1975. « Je conduis aussi des mariés parfois. Un jour, je klaxonne et je vois un gros truc rouge au loin. C’était un bus british à l’effigie des Beatles. J’ai dit aux époux que c’était de la provocation. Qu’on arrêtait tout. (rires) Je suis meilleur acheteur que vendeur. Je vais pas à la pêche, pas à la chasse, je joue pas au football. J’ai trois passions: ma femme, les Beatles et la photo. Dans la maison, j’ai juste un poster. Pour le reste, faut aller dans le musée. Une pièce fermée à je ne sais pas combien de tours. Avec caméras, etc. Pour les gens de mon âge, avec les Beatles, on repart 50 ans en arrière et on revoit les têtes des copines. C’est un peu ça. Pas de la nostalgie, mais des cartes postales de notre vie. »

Beatles Day à Mons : à la rencontre des Beatlemaniaques
© Olivier Donnet

« Ce qui est fort avec les Beatles, c’est qu’ils n’ont pas de date de péremption, termine Félicien Bogaerts, 19 ans et plus jeune animateur de Classic 21. Certains morceaux des années 90 ou, pire, un Rihanna d’il y a deux ou trois ans sont inécoutables aujourd’hui. C’est l’obsolescence programmée qui s’applique au monde de la musique. Il faut des événements comme le Beatles Day pour permettre à de nouvelles générations d’imaginer ce qu’était cette aventure musicale, humaine, sociale et politique. Moi, je suis dans la reconnaissance, l’amour et la passion. Mais oui, il y a sans doute chez certains une forme de spleen, de mélancolie. Beaucoup de gens aujourd’hui crachent sur la nostalgie, demandent qu’on aille de l’avant. Moi, je comprends. Certaines personnes revivent des moments qu’ils préféraient à leur vie de maintenant. Ils méritent notre tendresse, notre douceur et notre compassion. »

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