Critique | Musique

ASAP Rocky – Long.Live.ASAP

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Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

RAP | Reporté plusieurs fois, le 1er album officiel d’A$AP Rocky ne manque pas d’allure, carburant au flow canaille et grailleux du jeune rappeur d’Harlem.

A$AP ROCKY, LONG.LIVE.A$AP, DISTRIBUÉ PAR SONY. ****

Pour qui s’intéresse un peu à la culture pop, ce fut un des moments de 2012. Pour le clip de son National Anthem , la fatale Lana Del Rey invitait A$AP Rocky à incarner un JFK black. Certes, le résultat avait bien quelque chose de grotesque, mais on ne pouvait lui retirer un certain humour (involontaire?), voire du panache. Ce n’était pas son seul mérite: il réunissait aussi symboliquement deux victimes consentantes de la hype.

Après la folie Video Games, et un album mou du genou, Lana Del Rey y a finalement survécu. On n’était pas certain de pouvoir en dire autant d’A$AP Rocky. A la Bourse du showbiz, la hype est le plus toxique des actifs, aussi vite acheté qu’il ne s’avère invendable. En 2011, le rappeur d’Harlem avait ainsi affolé les trendsetters avec son morceau Peso, puis confirmé grâce à la mixtape LiveLoveA$AP. Puis? Plus rien ou à peu près: des featurings, oui (pour Rihanna, Usher, Schoolboy Q…), des concerts aussi (un passage par l’AB à l’automne dernier), mais à peine une paire de singles balancés pour calmer les attentes. Plus embêtant: annoncé et reporté plusieurs fois, d’abord pour l’été, puis repoussé à l’automne, l’album officiel s’est fait attendre. Jamais bon signe. Comme quoi, le format long n’a pas dit son dernier mot. Il ne se vend peut-être plus autant et ne suffit plus pour créer le buzz, mais il est toujours indispensable pour le valider…

En résumé, on ne donnait pas cher de la peau du rappeur au dentier plaqué or. Balancé ces jours-ci, Long.Live.A$AP rassure pourtant rapidement. L’album est solide, compact, excitant, proposant peu, voire, aucun déchet. Est-ce que le manque d’attente a finalement joué en faveur du bonhomme? Pour être honnête, celui qui aura suivi la trajectoire de Rakim Mayers (né en 1988) depuis deux ans n’aura aucune surprise. Affinée, la formule n’en reste pas moins hyper efficace. Le flow enfumé et nasillard est la plupart du temps irrésistible, pâte molle et élastique tout-terrain. Des titres comme Goldie ou Pain sont des promenades urbaines nocturnes fascinantes, tandis que LVL, l’une des deux productions signées Clams Casino, hypnotise en avançant au ralenti.

On a beaucoup parlé ces derniers mois de l’album de Kendrick Lamar, autre prodige rap, issu lui de la côte Ouest (et présent ici sur deux titres). Long.Live.A$AP n’a pas le souffle et ne cultive pas le même storytelling que Good Kid, m.a.a.d City. Son magnétisme tient à autre chose, au swag du bonhomme, cet autre mot pour désigner le cool, propre à la génération 2.0. Ils sont d’ailleurs quasi tous là, invités pour une featuring, de Joey Bada$$ à Schoolboy Q en passant par Danny Brown, nouvelle vague de rappeurs bien décidés à revitaliser un genre menacé par la mainstreamisation. Quand on rencontrait A$AP Rocky en septembre dernier, il déclarait ainsi: « Le visage du hip hop est en train de changer. Le monde en général est en train de changer. Il y a une nouvelle génération qui est en train d’arriver, qui en a marre de tous ces stéréotypes. Je veux la représenter. » C’est bien parti.

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