Arcade Fire: Strip-Tease sentimental

Le troisième album des Montréalais ne surpasse pas la combustion de Neon Bible mais quand The Suburbs s’éteint, la pièce semble vide.

Distribué par Universal

New York, février 2007, Win Butler pisse à côté du journaliste dans les toilettes. Puis, avec les autres Fire, traverse la salle de la Judson Memorial Church et fait un concert au bord de l’évanouissement. Même chopé par une saloperie virale, Arcade Fire repeint la neige (extérieure) en couleurs. Deux semaines avant, dans une autre église boisée (la St James, Londres), la bande à Win débute le set dans le public par une reprise désossée du Guns Of Brixton (Clash). C’est intense: en comparaison, l’interview du lendemain est juste un morceau de cassonade fade. Bizarre la distance entre le live et les mots. Arcade Fire est un groupe qui transcende l’instant, pas un champion de l’analyse. Depuis 2007, on a remis 100 fois Intervention dans les oreilles et considéré que ces Américano-Canadiens définissaient d’un second album (Neon Bible) le rock des années 2000. Marxisme émotionnel, collectivisme cinglant, armada organique, la troupe a conjugué si loin les thèmes de la mort, de la perte et de la disparition, qu’après coup, le grand néant est apparu.

D’où cette attente énorme pour The Suburbs, porté par un marketing à contre-sens: des concerts avant le disque. Et bien sûr, le disque paru sur Internet (24 juillet) avant la date de sortie officielle chez Universal (3 août). A peine une paire de prestations semi-secrètes pour faire démarrer le Caterpillar sur le marché international et puis, très vite, des grosses Berthas de festivals à la Werchter. Marrant comme l’éthique d’un groupe a priori à 1000 lieues du corporate le plus massif s’en accommode. C’est une définition possible du rock 2010 ça.

Rock banlieusard

Tricoté sur l’ennui des banlieues où ont grandi les frères Butler (The Woodlands, Texas), The Suburbs est un rien long (16 plages) et un brin inégal. On s’y colle et on s’en détache, tour à tour englué dans cette mélasse de mélodies enjoliveuses: la colère/frustration du disque précédent est évincée au profit d’un massage cardiaque profond même si les coups de reins reviennent parfois en cavalcades blindées (Empty Room). Caresses nommées désirs: Deep Blue, Wasted Hours, Half Light I s’imposent en morceaux suspendus, à la fusion humanoïde, explorant le thème récurrent de l’enfance et de ses promesses possiblement inconsidérées. Comme la plage d’ouverture, quasi neilyoungesque, plusieurs autres moments (Wasted Hours, Deep Blue) jouent l’introspection et la vulnérabilité. Toujours avec une pointe de brio, voire de grandeur, même si sur ce troisième tome, Wim Butler et sa fanfare rock claironnent moins leur colère évangélique, au profit d’un effeuillage plus intime qui s’arrête d’ailleurs avant le nu intégral. Parfois, on tombe amoureux des strip-teaseuses…

www.arcadefire.com

Philippe Cornet

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