911 is a joke: 30 ans de brutalités policières en musique

Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

1990: Public Enemy sort son album-clé, Fear of a Black Planet. 2020: le drame de George Floyd, mort étranglé par la police américaine, montre que le pamphlet reste d’une brûlante actualité. Retour sur 30 ans de brutalités policières, notifiées en musique…

NWA – Fuck The Police (1988)

Quelle est la limite entre la protestation et la provocation, le geste politique et la manoeuvre marketing? En 1988, un groupe de rappeurs issus des quartiers chauds du sud de Los Angeles brouille les cartes. Et change la face du hip-hop. Straight Outta Compton, le premier album de NWA -acronyme de Niggaz Wit Attitudes- est à la fois violent, cru, sauvage et musicalement irrésistible. « You are now about to witness the strength of street knowledge », annonce Dr. Dre en ouverture. Avec ses camarades Eazy-E, Ice Cube, Arabian Prince et MC Ren, ils dénoncent notamment les brutalités policières, dans un très explicite Fuck the Police. Ce n’est pas la première fois qu’un rap dénonce les forces de l’ordre, mais jamais de manière aussi frontale. D’autant qu’en samplant notamment James Brown et Roy Ayers, NWA y met les formes, transformant son coup de gueule sulfureux en véritable tube, ouvrant la voie à une version plus « hardcore » du rap.

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Kendrick Lamar – Alright (2015)

En à peine quatre albums, le rappeur Kendrick Lamar aura réussi à mettre à peu près tout le monde d’accord. En 2015, il sort To Pimp a Butterfly. Ambitieux, le disque réussit à faire en quelque sorte la synthèse entre le discours conscient et la rue; entre le gangsta rap qui a toujours été la bande-son de Lamar (il a grandi à Compton) et ce qu’on désigne souvent sous le terme de great black music, mixant influences jazz, soul, avant-garde, etc. Le morceau Alright retient notamment l’attention et symbolise bien cette combinaison. Le clip noir et blanc est particulièrement léché, où l’on voit Lamar à bord d’une Chevy Impala portée par la police. Plus loin, il se retrouve au sommet d’un lampadaire, avant de se faire abattre par un policier (« And we hate po-po/Wanna kill us dead in the street for sure, nigga »)… Surtout, le morceau deviendra l’un des hymnes du mouvement de protestation Black Lives Matter, entonné par les manifestants aux quatre coins du pays.

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Public Enemy – Fight the Power (1989)

Quand il déboule sur la planète rap, au milieu des années 80, Public Enemy joue directement l’offensive. Avec Chuck D dans le rôle de leader et Flavor Flav dans celui de fou du roi, le groupe tient un discours ouvertement politique, dénonçant tout ce que le passé esclavagiste de l’Amérique a laissé comme traces dans la société. Ne manquant jamais une occasion de justifier son nom, Public Enemy joue fort, enchaîne les polémiques, apparaissant sur scène entouré de sa Security of the First World, sorte de milice maison, qui exécute sur scène ses chorégraphies en treillis militaire. En 1990, leur troisième album, Fear of a Black Planet, est un nouveau brûlot, un véritable rouleau compresseur, soniquement impressionnant, qui marque les esprits et confirme le slogan inventé par Chuck D: le rap est bien l’équivalent d’un CNN noir, donnant à entendre l’autre version d’un discours médiatique qui reste dominé par le récit blanc. Le disque est notamment porté par le morceau Fight the Power, et cette fameuse ligne: « Most of my heroes don’t appear on no stamps », « la plupart de mes héros ne figurent pas sur des timbres ». Sorti un an plus tôt, le morceau a été composé pour intégrer la bande originale de Do the Right Thing. Dans le film de Spike Lee, c’est même lui qui sert de prétexte pour mettre le feu aux poudres, provoquant une émeute, qui se termine par la mort de l’un des personnages principaux, Radio Raheem… étranglé par la police.

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Beyoncé – Freedom (2016)

De chanteuse r’n’b policée, issue d’un girl band à succès, Beyoncé est devenue en quelques années l’une des voix les plus en vue de la communauté afro-américaine, réussissant à combiner succès public, reconnaissance critique et engagement politique de plus en plus appuyé. Notamment en pointant le racisme que les Noirs continuent de subir. En 2013, elle participe notamment à une manifestation contre l’acquittement de George Zimmerman, le membre d’un comité de surveillance de quartier qui a abattu le jeune Trayvon Martin lors d’une altercation. Plus tard, en 2016, elle invite la mère de Trayvon Martin, mais aussi celles de Michael Brown et Eric Garner, morts au cours d’une intervention de la police, à participer au clip de Freedom. Dans une lettre ouverte, elle enfonce le clou: « We are sick and tired of the killing of young men and women in our communities ».

Jamila Woods – VRY BLK (2016)

Chanteuse, musicienne, poétesse, Jamila Woods est originaire de Chicago, une ville qui a toujours su faire entendre sa voix dans le combat de la communauté afro-américaine -c’est par exemple là qu’a été fondée l’AACM, la fameuse Association for the Advancement of Creative Musicians, qui servira de plateforme à l’Art Ensemble of Chicago. À sa manière, Woods prolonge cet héritage avec une musique soul racée et politisée. En 2016, elle sort son premier album sur lequel se trouve notamment le morceau VRY BLK, auquel participe la rappeuse Noname, autre voix singulière de la scène locale. Elle chante notamment: « Hello operator, emergency hotline/If I say that I can’t breathe, will I become a chalk line« . Une référence explicite à la mort d’Eric Garner: en juillet 2014, il est arrêté par la police, qui le soupçonne de revendre des paquets de cigarettes en rue. Il se fera plaquer par terre, et étrangler. Ses derniers mots seront « I can’t breathe ». Ceux qui sont repris une nouvelle fois aujourd’hui comme hashtag pour dénoncer la mort de George Floyd…

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