Mozinor : Détournement de FOND

Mozinor nous a accordé une interview épistolaire exclusive. Méthode de travail, inspirations, passions… L’as du détournement dit tout. Sauf son nom.

C’est l’humoriste 2.0. L’artiste contemporain ultime, avec ses détournements réalisés chez lui avec 2 francs 6 sous, et popularisés sur le Net. Mozinor (contraction de Montreuil Zone Industrielle Nord, son quartier) est ce qui se fait de plus drôle sur la Toile. Et de plus simple: il lui suffit de prendre des inflexions de voix de dessins animés, d’une piste sonore un peu funky et d’un petit montage quand ça s’impose. Ceux qui ne le connaissaient pas encore l’ont probablement découvert au lendemain de la mort de Michael Jackson, quand sa parodie de Beat it (coincée au stade sadique-anal) a refait surface.

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

Mais son oeuvre, ce sont, depuis une dizaine d’années, des centaines de capsules, re-doublages de clips, de films, souvent simplement délirantes, parfois porteuses d’un message à caractère informatif. Qu’il s’agisse de souligner l’abrutissement des masses par l’audiovisuel pop-corn et les plantages des dirigeants politiques ou de tourner en ridicule ceux qui se prennent trop au sérieux. Mozinor a accepté de nous accorder une interview… par mail. Il ne veut pas dévoiler son identité. Visiblement, il a aimé se confier -la solitude du parodieur de fond doit aider-, puisqu’il nous a envoyé… 11 pages de réponses. Morceaux choisis.

Pourquoi cet anonymat, Mozinor?

Mozinor : C’était parti de ma parano à utiliser des images soumises à droit d’auteur et puis c’est devenu un concept à part entière. Une sorte de Daft Punk du détournement, un personnage énigmatique que chacun peut imaginer à sa guise. C’est bien comme ça. Et puis être identifié quand je suis à la supérette comme un psychopathe qui tient des propos délirants avec des voix improbables ne m’intéresse pas outre mesure. Sans compter que ça pourrait être discriminatoire à l’embauche!

Depuis quand faites-vous cela?
Cela a commencé par une nuit sombre, le long d’une route de campagne, tandis que je cherchais un raccourci que jamais je ne trouvai. Cela a commencé par une auberge abandonnée et par un homme que le manque de sommeil avait rendu trop las pour continuer sa route. Mais cela a surtout commencé en 93 avec l’unique diffusion (à cause de problèmes de droits) de La classe américaine sur Canal+, cette oeuvre culte fondatrice du détournement moderne où Dominique Mezerette et Michel Hazanavicius faisaient dire des dialogues délirants à John Wayne dans un assemblage de scènes de différents westerns de la Warner.

L’affichage de ce contenu a été bloqué pour respecter vos choix en matière de cookies. Cliquez ici pour régler vos préférences en matière de cookies et afficher le contenu.
Vous pouvez modifier vos choix à tout moment en cliquant sur « Paramètres des cookies » en bas du site.

John Wayne balançant des répliques absurdes comme « Madame Felipe, la patronne se coupe des morceaux de nichon pour en faire des ravioles » avec sa vraie voix française, il n’y avait pas plus subversif! On s’est tous pris une claque à l’époque. Cet OVNI est devenu rare et « underground »: un objet de culte par excellence. Mais impossible de rééditer la même chose chez soi. Il fallait un studio d’enregistrement, trop cher a l’époque. Dix ans plus tard, le PC s’est démocratisé et je me suis mis à faire des remix pour m’amuser. Ces remix sont devenus des clips vidéo quand j’y ai intégré des séquences AVI, puis enfin des détournements lorsque j’ai réalisé qu’il suffisait de brancher un micro a l’arrière du PC. Le son était merdique au début et j’ai stocké ces vidéos sur mon site Internet, jusqu’au jour ou un forumeur de Hardware.fr est tombé dessus en fouinant. Mois après mois, elles ont commencé à s’échanger sur le Net. De mon côté, j’ai changé de micro, je me suis amélioré, et en juin 2006, Bite It et 007 Tu peux pas test ont buzzé en étant diffusés aux Enfants de la télé un samedi soir en prime time.

Comment expliquez-vous cet engouement pour le détournement?
Le détournement est un moyen d’expression qui est au cinéma ce que le sampling est à la musique depuis les années 90. C’est-à-dire la possibilité pour un créatif ayant peu de moyens techniques de se réapproprier une oeuvre et d’en créer une nouvelle à partir d’éléments d’origines diverses.

Comment travaillez-vous?

Il suffit d’une idée de départ, aussi simple soit-t-elle. Le Titanic qui coule visionnéà l’envers, par exemple, était l’idée de départ de Titanic Parc. Ça peut être aussi la ressemblance du personnage de la parodie avec une personnalité, par exemple, une scène d’un film en rapport avec l’actualité du jour, une expression sur un visage. Je ne suis pas un surdoué, je suis juste un travailleur acharné et perfectionniste, je me passe en boucle de façon hypnotique les vidéos des dizaines de fois jusqu’a l’éc£urement pour en éliminer les temps morts, perfectionner les répliques, optimiser les effets comiques, etc.

Ça peut partir par association d’idées dans les directions les plus délirantes. D’une manière générale, j’aime bien trouver la bande son et quelques bruitages d’ambiance en premier lieu pour me mettre dans l’ambiance. Je me sers d’un logiciel grand public (moins d’une centaine d’euros) qui ferait rire les monteurs pros, je fais tous les bruitages (un bon micro et un peu d’astuce suffisent), toutes les voix (je ne suis pas imitateur, je n’en ai que 3 ou 4 au catalogue)… En travaillant seul, l’avantage est que je peux m’y mettre à toute heure et donner à chaque personnage l’intonation exacte à laquelle je pense.

Mozinor a-t-il déjà été sollicité par des entreprises commerciales?

Quelques chaînes, émissions, boîtes de prod’ et de pub m’ont contacté mais à force de se prendre des râteaux, ils ont fini par se calmer. Je n’ai aucune ambition dans les médias, il ne s’agit que d’un passe-temps que je réalise le soir pour me détendre en rentrant du boulot. Ça peut être interprété comme un manque d’ambition mais c’est un choix d’hygiène de vie, tant ce monde de la création télévisuelle est dévorant. J’ai pas envie de perdre le sommeil avec l’angoisse de la page blanche. Pas envie non plus d’être jeté comme un kleenex une fois le buzz passé. Comme ces ex-candidats de téléréalité dépressifs trop connus pour trouver un boulot normal, pas assez pour en vivre.

Quels sont les types de personnages qui vous inspirent, en général?

Par définition plus le personnage est sérieux, plus il constitue un bon matériau de départ car le contraste n’en sera que plus saisissant. Des persos comme Jack Bauer par exemple sont du pain béni! Dans l’absolu tout peut être détourné mais les comédies sont d’emblée plus difficiles à exploiter. On me demande parfois pourquoi je ne fais rien sur Jean-Claude Van Damme: parce que c’est peine perdue! JCVD atteint déjà dans la réalité une dimension tellement délirante qu’elle rend la marge de manoeuvre infime. Au niveau des films, j’aime revisiter les mythes comme Terminator, Matrix, Star Wars ou Scarface.

Mozinor est-il un geek, un no-life?

Un geek, oui. De la tribu des cinéphages qui croule sous les DVD, fan de Star Wars, Star Trek, du Seigneur des Anneaux et de Matrix. Je ne peux pas prétendre malheureusement au statut de no-life mais le concept est séduisant, j’essaye de l’atteindre, j’ai déjà le canapé et la console qui va avec.

Mozinor est-il une sorte d’entarteur virtuel? Le Noël Godin de la bande passante?

Non, il ne faut pas tomber dans le piège qui consiste à croire que parce que c’est underground et en dehors du système, ça dit forcément la vérité.

Quels sont vos projets?

Je pense sortir chercher de la bière d’ici quelques heures.

Quelles sont les autres passions de Mozinor?

Collectionner des capsules de bières et étrangler des chats.

Entretien Myriam Leroy

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content