Critique

Metro: Last Light, l’ombre de Tchernobyl

Michi-Hiro Tamaï Journaliste multimédia

FPS | Metro: Last Light replonge dans les stations de Moscou pour un aller simple vers l’enfer. Une histoire plus qu’un jeu.

Astro Boy, Godzilla et Akira en témoignent: le péril nucléaire a imbibé la pop culture nippone. Plus à l’ouest, en Ukraine, la catastrophe de Tchernobyl transformait, en 2007, l’invasion extra-terrestre du Stalker de Boris et Arcadi Strougatski. Ce classique de la littérature SF soviétique du début des années 70 mutait ainsi en first-person shooter rôlesque mettant au centre de ses préoccupations la funeste station éventrée. Et bien entendu ses effets génétiques sur la faune et la flore environnantes. Plus récemment, Metro 2033 de Dmitri Gloukhovski cristallisait aussi la peur slave de l’atome.

Ce roman écoulé à plus de 400.000 exemplaires en Russie s’adaptait dans un jeu vidéo du même nom, nettement plus arcade et simple à prendre en mains que Stalker. Spécialement écrit par Gloukhovski pour 4A Games, Metro: Last Light replonge dans le microsome moscovite souterrain et post-nuke du premier opus. Si sa trame n’embarque pas sur la même voie que celle de Metro 2034 (la suite de Metro 2033), elle n’en demeure pas moins un exemple rare d’adaptation douée d’une vision littéraire en jeu vidéo (lire décryptage dans le Focus du 14 juin).

Oubliées les versions joystick de Tom Clancy, Agatha Christie ou Dan Brown. S’il livre un gameplay hyper linéaire en corridor, 4A Games brosse avec intelligence une cité moscovite vivotant et tremblant dans les stations cathédrales de la capitale russe. Le talent du romancier et ex-journaliste russe se traduit ici par un récit en plusieurs couches. Au fil de sa progression, Artyom, le héros du jeu, découvre ainsi une société dupliquant le conflit du triangle communiste, fasciste et capitaliste d’avant la catastrophe. Soit trois micro-cités terrées dans l’humidité, les galères et la parano de l’autre.

Le royaume des ombres

S’il n’évite pas quelques clichés, liés notamment à la camaraderie entre ennemis, Gloukhovski happe le joueur en ajoutant une troisième variable -extra-terrestre- à son contexte social et politique dense. Persécutées à la fin du premier opus, de mystérieuses ombres se glissent ainsi au milieu des débats, avec en filigrane la question de leur nature, néfaste ou non.

Traversé de références littéraires, notamment aux Trois Mousquetaires, Last Light est certes très scripté. Mais les chutes d’hélicoptère et les explosions précalculées et putassières d’un Call Of Duty s’évanouissent ici au profit de dialogues de PNJ glaçants. Eugénisme, enfance perdue, humanité en déroute… Ce travail de fond est exceptionnel. Mais les faiblesses du gameplay d’infiltration ne sont pas oubliées pour autant.

Essentiel pour progresser sans se faire repérer, le jeu d’ombre est loin d’amener une dynamique ludique aussi hypnotisante que sur Far Cry 3 ou Dishonored. S’autorisant parfois des passages en extérieur, le level design reste lui en milieu confiné. Même à l’air libre, le joueur a l’impression d’être enfermé dans des salles ressemblant à celles de Doom 3. Le tout pour une réalisation graphique aussi impressionnante que celle du titre d’iD Software en son temps. C’est beau, une génération mourante de consoles.

Metro: Last Light, édité par Deep Silver et développé par 4A Games, âge 18+, disponible sur PC, PlayStation 3 et Xbox 360.

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