Critique

Life is Strange 2, la fin de l’innocence

© Square Enix
Michi-Hiro Tamaï Journaliste multimédia

Les grands éditeurs envisagent essentiellement le jeu vidéo comme du divertissement. Avec Life Is Strange 2, Square Enix change la donne.

Du joystick aux barricades, le jeu vidéo indépendant commente depuis une quinzaine d’années les injustices et les crasses de notre planète. Nucléaire japonais, drones, immigration, Trump, Nuit debout… Ce gaming à message emmené par des titres comme North, Killbox, Daiichi Dash ou Operation Pedopriest restait jusqu’ici confidentiel. Mais il contamine doucement le grand public. Suivant le destin tragique de civils pris dans le piège d’une ville assiégée, This War of Mine a ainsi cartonné au box-office il y a quatre ans. Le garde-frontière de Paper, Please affichait également des belles ventes. Aujourd’hui, le premier épisode (sur cinq) de Life Is Strange 2 brosse le portrait d’une Amérique raciste, parano et présidée par Trump.

Le premier volet de Life Is Strange abordait avec un talent inouï le thème de l’adolescence. Maxine, son héroïne, y avançait entre blessures familiales, cyberharcèlement, suicide et amitié recomposée. Toujours écrite par Christian Divine et Jean-Luc Canon, la suite de cette production française démarre également comme un teen movie introspectif et sensible. Sean Diaz, ado de seize ans, vivote dans sa banlieue de Seattle. Il gamberge sur une déclaration amoureuse. Autre défi du jour: trouver un peu d’argent pour acheter de l’herbe en vue d’une soirée imminente.

Life is Strange 2, la fin de l'innocence

Tout est politique

Un drame jettera toutefois l’adolescent et son jeune frère sur les routes. Avec une poignée de dollars en poche, la fratrie d’origine mexicaine tentera de descendre la côte Ouest des États-Unis pour retrouver son pays d’origine. Cet exode à l’envers aligne des rencontres marquantes, dans l’esprit d’un road-movie. Toutes ne sont pas bienveillantes. « Je suis bien content qu’on construise ce mur! », assène le propriétaire d’une station-service face aux deux frères terrifiés. Une poignée de protagonistes illustre avec force le climat de racisme étouffant le pays de l’oncle Sam.

Life Is Strange 2 évoque également avec talent l’absence parentale, le passage brutal à l’âge adulte et la délicate notion de fraternité. Ce premier épisode bercé par une BO rock et folk crépusculaire (Whitney, Metronomy…) oublie malheureusement de travailler son gameplay. La première saison permettait ainsi de rembobiner le temps pour revenir sur une décision aux conséquences tragiques. Ce rewind s’utilisait également pour disposer d’un don d’ubiquité et résoudre des petites énigmes. Rien de tout cela ici.

Jouer avec son frère au bord de la rivière avant une inquiétante nuit dans la forêt ou le laisser à ses occupations? Voler une barre de chocolat dans une voiture? Les décisions que prend le joueur dans la peau de Sean influencent le comportement de son petit frère. Mais elles ne fléchissent pas le déroulé final de ce premier épisode. Avoir repéré une lime à l’arrière d’un magasin permet de l’utiliser plus tard pour se libérer d’une entrave. Mais là encore, l’effort semble vain. Gageons que le gameplay et le propos surnaturel du jeu se réveillent sur les quatre épisodes suivants…

Life Is Strange 2, édité par Square Enix et développé par Dontnod Entertainement, âge: 18+, disponible sur PC, PlayStation 4, Xbox 360 et Xbox One. ***(*)

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