Le rétrogaming ou la madeleine de Proust des amateurs de jeux vidéo
Alors que Nintendo met en vente ce vendredi une version mini de sa console Super NES, grand succès des années 90, retour sur l’une des vogues les plus importantes autour du jeu vidéo: le rétrogaming.
La nostalgie a envahi toutes sortes de domaines ces dernières années, du retour du vinyle en musique, à la tendance du vintage en mode, en passant par les versions restaurées de classiques du cinéma.
Mais le jeu vidéo est particulièrement touché par cette volonté de revenir aux sources, avec le rétrogaming, qui désigne à la fois un retour en arrière et l’action de jouer. Nintendo, l’un des leaders du marché vidéoludique, s’est emparé de cette mouvance et sort aujourd’hui une version Mini de son ancienne console, la Super NES. Déjà précommandée par des milliers de joueurs, elle ne réjouit pourtant pas tous les amateurs de jeux. « Les produits rétro ne sont pas faits pour être joués sur des téléviseurs haute définition, les pixels ressortent, ce n’est pas joli, explique Tifenn Rizza, responsable du magasin Oldstar Games à Bruxelles, aux côtés de Xavier Pastor. En revanche, il y a un vrai côté nostalgique, un pouvoir de séduction dont profite Nintendo. La Mini peut donc être un bon pack découverte pour des joueurs moins exigeants sur la qualité. »
Une communauté à part entière s’est créée autour de la mouvance old school du rétrogaming. « La génération des 25-40 ans se passionne pour ce retour aux sources, continue-t-il. Certains de nos clients ont une sorte de choc émotionnel en retrouvant des jeux de leur enfance. » Le rétrogaming attire notamment des joueurs en quête de challenge, puisque beaucoup d’anciens jeux restent plus durs à terminer que les récents, par l’absence de points de sauvegarde par exemple. « C’était une technique des créateurs pour allonger la durée de vie des jeux, qui étaient très courts à l’époque. En les rendant plus difficiles à jouer, ils devenaient aussi plus longs à terminer. »
Animés par une volonté de conserver le patrimoine vidéoludique ou simplement par une nostalgie d’une époque révolue, ces passionnés de la manette se retrouvent notamment en créant des associations. C’est le cas de MO5, une organisation française qui possède l’une des plus grandes collections de jeux et de consoles d’Europe, avec plus de 40.000 pièces.
Les fans se regroupent aussi sur Internet, autour de chaînes YouTube par exemple, comme celle du Joueur du Grenier, qui réunit près de 3 millions d’abonnés avec des vidéos humoristiques dans lesquelles il teste des jeux rétros. « Les Youtubeurs comme lui diffusent leurs idées et leurs expériences, il y a une forte idée de transmission« , détaille Tifenn Rizza.
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Une tendance lucrative
Un musée du jeu vidéo a également vu le jour près de Strasbourg; les festivals, salons et expositions se multiplient à travers le monde, tout comme les bars à arcades ou les magasins spécialisés comme Oldstar Games.
Et cela n’a pas échappé aux entreprises du secteur vidéoludique. Nintendo surfe sur cette mode, et a proposé en novembre dernier une nouvelle édition de sa célèbre console, la NES, en version Classic Mini. Le tout incluant trente jeux de l’époque (Bubble Bobble, Final Fantasy, The Legend of Zelda, Super Mario Bros…), au petit prix de 60 euros.
Une aubaine pour les amateurs des jeux de leur enfance. Le succès a été immédiat avec une rupture de stock éclair. L’éditeur a ainsi annoncé avoir vendu 1,5 millions d’exemplaires du produit dans le monde entier, puis a décidé d’en arrêter la commercialisation.
En parallèle de la sortie de la Super NES Mini, de multiples rumeurs ont également circulé sur Internet autour d’une réédition Mini de la Nintendo 64, pour fin 2018.
L’entreprise Atari, grand concurrent de Nintendo aux prémices de l’industrie vidéoludique, a suivi le mouvement, près de quarante ans après la production de sa dernière console maison. Elle a annoncé la sortie pour la Noël 2017 de deux variantes de son succès de l’époque, l’Atari 2600. Cinquante titres seront présents sur ces consoles de salon pour l’une et portable pour l’autre, utilisables avec un joystick. Parmi eux, on retrouve Pong, le premier jeu d’arcade de sport, semblable à du tennis de table.
Il n’est pas étonnant de voir autant de firmes se presser pour participer à cette vogue nostalgique. En proposant des consoles rares à un prix raisonnable, ces grands groupes sont certains de les vendre rapidement, à un public plutôt large.
Des jeux de plus en plus accessibles
Pour autant, les joueurs les plus aguerris ne se contentent pas de retrouver leurs jeux préférés sur leurs supports originaux et trouvent des moyens détournés d’accéder à ces curiosités oubliées.
L’évolution générale de la technologie s’est par exemple accompagnée de l’émergence de l’émulation, qui consiste à remplacer un terminal comme une console par un logiciel informatique sur ordinateur. Playstation, GameBoy, Xbox, PC… Tous les supports peuvent être « émulés » et les utilisateurs jouent alors des parties gratuitement, à l’aide d’une manette ou de leur clavier, sans même avoir besoin d’acheter le jeu en question. « On découvre des objets tellement rares avec l’émulation, s’enthousiasme le responsable d’Oldstar Games. Quand tu aimes le milieu du jeu vidéo, tu n’as pas envie de passer à côté de pépites, donc tu explores, même si c’est de manière illégale. »
Nintendo a également intégré ce concept dans sa dernière console, la Switch: « C’est un marché parallèle puisque les jeux y sont disponibles en ligne et dématérialisés. »
La mutation de ces pratiques va aussi de pair avec l’apparition de nouveaux termes et tendances comme le néo rétrogaming. Autrement dit, c’est l’action de jouer à un jeu récent inspiré des codes et des designs d’un jeu rétro, une sorte de relecture d’un vieux hit.
Avec un succès indéniable, le rétrogaming traverse donc les décennies, entre passé, présent et futur.
Salammbô Marie
Le speedrun est une pratique du jeu vidéo qui consiste à terminer un jeu le plus rapidement possible. Mais pas n’importe comment: en utilisant les bugs et failles du programme vidéoludique, pour récupérer des objets plus vite ou sauter des niveaux et arriver directement à la fin par exemple. Une manière de jouer qui fait entrer celui qui la pratique directement dans la matrice de l’objet.
Une pratique clairement liée au rétrogaming puisque ces bugs étaient davantage présents dans les anciennes créations vidéoludiques, qui étaient moins contrôlées et bénéficiaient de technologies moins pointues pour repérer ces failles.
Le speedrun se distingue notamment par son aspect collaboratif, autour de joueurs qui partagent leurs records mais aussi leurs astuces pour parvenir à terminer le jeu aussi rapidement: « c’est une pratique spectaculaire, de dépassement de soi, dans laquelle les joueurs font le show. »
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Aux États-Unis, l’évènement Awesome games done quick rassemble des speedrunners autour de jeux rétro comme Mario ou Sonic. Les fonds collectés, grâce aux dons des joueurs par exemple, sont ensuite reversés à des associations caritatives. Cet évènement, très important dans la communauté du speedrun, est organisé deux fois par an. Depuis 2010, il a réuni plus de dix millions de dollars, et diffusé en direct 1605 runs. En France, Bourg La Run, qui se déroulera les 8,9 et 10 décembre 2017 près de Paris, suit le même schéma. Les organisateurs reversent ensuite l’argent récolté au Téléthon, afin de financer la recherche autour des maladies génétiques.
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