UN RÉCENT DOCU NETFLIX SUR LEVON HELM, BATTEUR DE THE BAND, RAPPELLE COMBIEN LE GROUPE A ÉTÉ FONDATEUR DE L’AMERICANA PRIMAL, ESSAIMANT DE WILCO À NATHANIEL RATELIFF.

Par où commencer? The Band, accompagnateurs du Dylan grande époque, 1965-1967? Les mecs dissous par les luttes consanguines et filmés en 1976 par Scorsese dans le concert d’adieu The Last Waltz? Les barbus en costards de vieillards, écrivant la fin sixties à Woodstock, sous foi de morceaux mégalithes désormais inscrits au patrimoine de l’Humanité Rock? Le versant chansons est celui qui résiste le mieux au babil des modes: The Weight, The Night They Drove Old Dixie Down, King Harvest, Tears of Rage ou Up On Cripple Creek. Merveilles de folk-country bouseux, d’ondulations des Appalaches, de soul lointaine et de rock’n’roll grondant, avec l’occasionnel shot mélancolique muté en yodel entraînant. C’était ça The Band: une divergente chimique tirant le maximum de ses cinq interprètes, tous multi-instrumentistes talentueux. Le seul Ricain du lot, Levon Helm -batteur et vocaliste d’envergure-, fils de planteurs de coton de l’Arkansas, apporte l’incarnation du mythe américain vécu près de l’os. Les quatre autres, citoyens canadiens de l’Ontario, s’engouffrent dans les affluents d’un Mississippi fantasmé: Rick Danko, bassiste, Garth Hudson, claviériste-saxophoniste, Richard Manuel, pianiste et voix divine, et le guitariste Robbie Robertson. C’est lui qui, de facto, prend les rênes du quintet et signe la majorité des compositions: ce simili-putsch qui ignore les contributions d’écriture d’autrui -celle de Levon Helm notamment- scellera la fin des haricots, celle perçue dans l’amertume joyeuse de la Dernière valse de Scorsese. Les sept albums studio, sortis entre 1968 et 1977, dessinent une sorte d’Eldorado US, justifié par les deux/trois premiers disques. Music From Big Pink (juillet 1968) et l’éponyme The Band (septembre 1969) ignorent le psychédélisme ambiant et les saillies du rock-à-stades qui s’annonce bruyamment. Quatre décennies plus tard, la plongée du groupe dans les musiques philosophales américaines -blues à gospel- opère toujours via un charme et une profondeur aussi analogiques qu’émotionnels. L’histoire ne fera pourtant aucun prisonnier: si l’aîné Garth Hudson (1937) continue une vie de bourlingue et de session-man, Levon Helm, ruiné et puis rescapé de la saisie, cancéreux survivant et puis non, meurt en 2012 après une paix conclue in extremis sur son lit de mort avec Robertson, star du lot. Qui n’a rien produit de substantiel depuis 20 ans et rêve peut-être parfois de Danko et de Manuel, tous deux crucifiés par les substances: le premier est mort fin 1999 à 55 ans d’un infarctus à domicile, le second s’est pendu en 1986 dans un Quality Inn de Floride, un peu avant ses 43 ans. Sacrées chansons, mauvais scénario et héritage durable.

PH.C.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content