Women in black – Ouvrir la voix

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« J’ai d’abord été intéressée par le fait d’être noire plutôt que par le fait d’être femme », déclarait il y a quelques mois la sociologue et réalisatrice afroféministe Amandine Gay.

Son premier documentaire parle des deux. Ouvrir la voix donne la parole à 24 femmes noires francophones. Les invite à se raconter. À questionner leur place (celle qu’on a bien voulu leur laisser, celle qu’elles sont parvenues à prendre) au sein de la société. Pas de voix-off. Face caméra, en plans souvent très serrés, elles partagent des bouts de leur vie. S’interrogent sur leur sentiment d’appartenance. Évoquent des sujets aussi variés que la tignasse, l’école, la famille, les entretiens d’embauche et la dépression. Le regard des autres, leur attitude aussi. Celle des passants et des petits amis… On croise une costumière, une étudiante en école de commerce, une comédienne également qui évoque ses choix et ce qu’ils renvoient…

Diplômée en communication politique, Gay, qui a grandi près de Lyon dans une famille adoptive, a étudié le cinéma pendant un an en Australie avant d’entrer au conservatoire d’art dramatique dans le XVIe arrondissement de Paris.

Désespérée devant les rôles (droguée, sans papier, pute, dealeuse…) pour lesquelles elle était acceptée dans les castings (seuls ceux où il était précisé que le personnage était black), elle s’est mise à interviewer des avocates, des entrepreneures, des serveuses, des artistes noires sur leur vie de tous les jours et à en faire des petits films. Quand des producteurs lui ont dit que les femmes afro qu’elle avait imaginées pour une série (inspirées par son propre parcours) n’existaient pas, Gay a décidé de leur prouver le contraire en les montrant dans un documentaire.

Financé grâce à une campagne de crowdfunding (le Centre national du cinéma et de l’image animée avait refusé de lui apporter son soutien), Ouvrir La Voix est un film mosaïque organisé par thèmes. Afrodescendantes ou afropéennes pour celles qui préfèrent le terme y évoquent leur rapport à la religion, aux religions. Parlent de l’homosexualité dans leur communauté. De la place des femmes d’origine africaine dans les fantasmes occidentaux. Et surtout du racisme ordinaire ou pas dont elles ont fait l’objet. Jusqu’à la violence des femmes blanches dans les mouvements féministes… Le dispositif est relativement sommaire et toutes abondent de manière générale dans le même sens mais la force de leurs témoignages prend irrémédiablement le dessus. Jamais ennuyeux, ce documentaire militant de deux heures était sans aucun doute, à l’heure qu’il est, d’une impérieuse nécessité.

Documentaire d’Amandine Gay.

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