LOST HIGHWAY – DEUX CHEFS-D’OUVRE DE LYNCH SORTENT AU FORMAT BLU-RAY. L’OCCASION DE S’ÉGARER AVEC UN BONHEUR RENOUVELÉ DANS L’UNIVERS DU PLUS SINGULIER DES RÉALISATEURS US.

DE DAVID LYNCH. AVEC NICOLAS CAGE, LAURA DERN, WILLEM DAFOE. 2 H 05. 1990. DIST: UNIVERSAL.

DE DAVID LYNCH. AVEC NAOMI WATTS, LAURA ELENA HARRING, JUSTIN THEROUX. 2 H 26. 2001. DIST: UNIVERSAL

Un craquement d’allumette, et c’est toute la singularité de l’univers de David Lynch qui embrase l’écran, prélude inoubliable à Wild at Heart -le film qui, il y a tout juste 20 ans, devait valoir au réalisateur américain une consécration méritée sous la forme de la Palme d’or au festival de Cannes. Road movie, équipée sauvage, ode à la liberté, thriller vénéneux, film au romantisme exacerbé, Wild at Heart est tout cela à la fois, en même temps qu’un authentique sommet de l’art lynchien. Le film raconte l’histoire de Sailor et Lula (Nicolas Cage, rarement meilleur, et Laura Dern), un couple d’amoureux tentant d’échapper à la malédiction qu’a jetée sur eux la mère de la jeune femme. Le tout envisagé à la mode Lynch, toutefois, qui confronte les héros de son conte à la violence d’un monde bien secoué et menaçant, non sans donner à leur épopée des contours sexy et ostensiblement barrés.

Vingt ans après, le film, un brin linéaire peut-être, n’a perdu ni de sa force, ni de sa magie -pour peu que l’on s’y abandonne, le résultat est proprement envoûtant, un peu comme si Lynch avait convié devant sa caméra les ombres bienveillantes d’Elvis et Marilyn, lancés sur la route de briques jaunes d’une version fantasmée et rock’n’roll du Magicien d’Oz, bizarreries et excentricités en option. Parmi les nombreux et captivants bonus, Bernardo Bertolucci, président du jury cannois, explique comment il man£uvra pour couronner le film au détriment du Cyrano de Rappeneau, non sans avoir ce trait inspiré: « Lorsque on regarde un film de Lynch, on peut visualiser les sons et écouter les couleurs… »

Récit labyrinthique

Une bonne dizaine d’années a passé lorsque Lynch réalise Mulholland Drive, portant son art à sa quintessence, au gré d’un film adoptant, comme Lost Highway, une structure duale, non sans apparaître comme une forme d’aboutissement aux plans esthétique comme narratif. On se (re)plonge avec délectation dans ce récit labyrinthique qui nous conduit sur les hauteurs de Los Angeles, sur les pas de 2 aspirantes actrices -Betty, la blonde, et Rita, la brune (Naomi Watts et Laura Elena Harring)-, arpentant la lost highway de leurs rêves de gloire, et ballottées au gré des cahots d’une intrigue défiant la logique apparente comme la linéarité, pour privilégier l’immersion dans un trip halluciné -au c£ur du chaos, et nulle part ailleurs.

Lynch dispose ses pions avec une stupéfiante maestria, embarquant ses protagonistes, et les spectateurs avec eux, dans un voyage envoûtant autant qu’étrange aux confins du rêve et de la réalité, du cauchemar et du fantasme. Soit un film noir en forme d’expérience sensorielle sans équivalent, et une plongée sensuelle dans un univers n’ayant d’autre logique que la sienne propre, mais parfaitement cohérent néanmoins. C’est là un authentique chef-d’£uvre, pratiquement insurpassable, récompensé à Cannes pour sa mise en scène de toute beauté, et servi avec des compléments qui voient divers exégètes, mais aussi des réalisateurs, parmi lesquels Jaco Van Dormael et Fabrice du Welz, se pencher sur le mystère de la boîte bleue… Incontournable.

JEAN-FRANÇOIS PLUIJGERS

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