Washington mon amour

© T. DE CORDAY

Pour son premier roman depuis 2016, George Pelecanos déclare son amour à la littérature et au pouvoir des mots à travers un récit sombre et mélancolique.

Contrairement à ce qu’il est écrit sur la quatrième de couverture, George Pelecanos n’est pas le réalisateur de The Wire, même s’il a bien été le premier auteur sollicité par David Simon pour intégrer l’équipe. Tout ça pour dire que notre homme est aussi scénariste et son nom apparaît également au générique de Treme ou The Deuce. Son approche quasi journalistique des réalités urbaines et de ses inégalités qu’on retrouve d’ailleurs dans ses romans -une bonne vingtaine- y est évidemment pour beaucoup.

Comme Los Angeles chez Michael Connelly et James Ellroy, Boston chez Dennis Lehane, La Nouvelle-Orléans chez James Lee Burke, New York chez Ed McBain ou Richard Price, Washington traverse l’oeuvre de Pelecanos (63 ans au compteur) pour s’imposer comme un des personnages principaux, qui se métamorphose au rythme des livres de l’Américain. À travers sa nouvelle et recommandable livraison À peine libéré, l’auteur de Anacostia River Blues (son chef-d’oeuvre), de King Suckerman ou de Soul Circus évoque avec nostalgie un D.C. qui n’échappe pas à la gentrification. Pelecanos y décrit sans se flageller pour autant les tourments que lui inspire sa ville. Des sentiments contrastés, douloureux.

Washington mon amour

Romans marqueurs

L’intrigue de À peine libéré est somme toute classique. Michael Hudson, en préventive pour vol, tue le temps en prison en s’initiant à la littérature via des ateliers de lecture de la bibliothécaire Anna. Une fois libre, il doit frayer avec Phil Ornazian, un privé hors des clous, à qui le jeune homme doit une fière chandelle pour l’avoir fait sortir du trou.

À peine libéré s’articule autour de deux prismes. Le premier est celui de la littérature. Grâce à son personnage qui trouve la rédemption et l’apaisement dans la lecture, Pelecanos est sur du velours pour déclarer sa flamme à ses romans marqueurs comme le désespéré Sale temps pour les braves de Don Carpenter (1966), le plaidoyer contre les préjugés Valdez est arrivé! d’Elmore Leonard (1970) ou encore le recueil de nouvelles sur la guerre du Viêtnam À propos de courage de Tim O’Brien (1990).

L’autre prisme, c’est la réinsertion de Hudson et son combat pour retrouver une « vie normale ». Avec les deux faces d’un même quarter, Pelecanos ne néglige ni le rythme, ni la tension et encore moins les passages plus introspectifs ou crépusculaires. Au final, ce roman mélancolique, entre chien et loup, possède une profonde et quasi émouvante empathie, qu’on retrouve chez son frère virtuel Richard Price.

À peine libéré

DE GEORGE PELECANOS, éDITIONS CALMANN-LéVY, traduit de l’anglais (États-Unis) par Mireille Vignol, 360 PAGES.

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