Serge Coosemans
Serge Coosemans Chroniqueur

AU NOM DE LA TRANQUILLITÉ PUBLIQUE, DE LA SÉCURITÉ ROUTIÈRE ET DE LA LUTTE CONTRE LA DROGUE, UNE DÉPUTÉE PS PROPOSE D’HARMONISER LES HEURES DE FERMETURE DES DISCOTHÈQUES. RÉTROGRADE?

Quelques semaines après les propositions d’Evelyne Huytebroeck de limiter les décibels dans les lieux de sortie, Isabelle Emmery, une députée PS, en appelle à la règlementation des heures de fermeture des discothèques, ce qui relève actuellement de la compétence communale. Elle s’en justifie en pensant aux « riverains qui, chaque week-end, subissent les puissants décibels d’un dancing ouvert pendant plus de cinquante heures (…), aux jeunes appelés à consommer des substances illicites (…) ou encore aux accidents de la route causés principalement par des jeunes conducteurs sur le chemin du retour. » Bref, revoilà le vieux cliché de la discothèque apparentée au véritable puits de danger, à la parfaite nuisance.

Une vie nocturne trépidante participe pourtant à la dynamisation d’une image urbaine, à l’attrait touristique d’une ville, à la modernisation d’une région. En Angleterre, la Génération Ecstasy des années 90 -à l’époque pourtant décriée, crainte et même traquée par les politiques de l’ère Thatcher/Major- a fini par imposer certaines de ses idées dans les médias, la mode, le tourisme, la restauration, a en fait influencé la société toute entière. On a depuis compris que la discothèque n’est ni une nuisance, ni un lieu plus propice à la consommation de drogue et d’alcool qu’une habitation privée, une fête de village ou un festival rock. Dans le meilleur des cas, c’est surtout un creuset de cultures, un laboratoire social. Au pire, c’est un service qui permet de sociabiliser, danser, se rencontrer. En 2013, résumer une discothèque à la drogue et à la cuite, c’est mépriser 33 ans de cultures, notamment house, techno, funk et disco. C’est caricaturer une réalité noctambule d’où sont pourtant sortis bien davantage d’idées créatives, d’évolutions sociales et de business plans aventureux que de drames de la dope, de la route et du voisinage.

La nuit en danger

Nous connaissons les fantasmes de villes-musées et autres villes-dortoirs entretenus par certains politiciens. Nous savons qu’en Belgique, il suffit d’un seul riverain grincheux et insomniaque pour mettre en balance le permis d’exploitation d’un établissement animant un peu la morosité de 100, 500 voire 2000 personnes, ce qui relève tout de même d’une interprétation assez bizarroïde de la démocratie. Nous savons qu’au nom de la sécurité et de la civilité, ces règlementations nouvelles peuvent littéralement tuer un milieu noctambule déjà bien affaibli par les mesures anti-tabac et diverses taxes opportunistes. Le monde de la nuit va mal, tellement mal que ces propositions critiquables, voire carrément mal informées d’Evelyne Huytebroeck, Isabelle Emmery et autres (?) pourraient très bien finir par s’imposer et achever la nuit. La fête n’est pas un droit, c’est un combat. Le Dormeur doit donc se réveiller. Plus que jamais.

SERGE COOSEMANS

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