L’éclectique cinéaste british michael winterbottom a voulu faire de The Killer Inside Me une expérience limite. Au risque de susciter quelque polémique…

A Berlin, où son film était projeté en compétition, le réalisateur de The Killer Inside Me en a éclairé les aspects les plus sulfureux et controversables. Sans langue de bois, avec la radicalité que son premier film, Butterfly Kiss (saga d’un couple de lesbiennes meurtrières), poussait déjà très loin…

Sur la violence

 » Je n’ai rien mis dans le film qui ne soit pas déjà dans le livre de Jim Thompson. Tout y est, même les scènes les plus brutales. Bien sûr, c’est un autre médium. Mais comme le dit Stephen King, dont beaucoup de livres ont été adaptés au cinéma, il n’y a aucune raison qu’un réalisateur ne pousse pas à fond le potentiel du médium qui est le sien, alors que l’écrivain a poussé à fond sa propre démarche de romancier… Ce que je trouve génial, chez Thompson, c’est qu’il y a toutes les 10 pages quelque chose de totalement inattendu. Il fallait que le film provoque le même effet.

Evidemment, le roman est narré à la première personne par Lou Ford (1), le texte -brillant- nous emmène dans sa logique, dans sa tête. L’adapter au cinéma signifiait qu’il fallait extérioriser ces choses que le lecteur peut, lui, imaginer. Quand on imagine, on peut atténuer ou accentuer l’horreur des choses, selon sa propre personnalité, ses propres peurs. Une image de cinéma est concrète, inévitable. D’où, sans doute, l’inconfort de certains devant les séquences les plus éprouvantes… Mais à quel point cet inconfort n’est-il pas nécessaire? Le personnage dans le film est certes complètement dérangé, psychopathe à fond, mais n’avons-nous pas chacun en nous quelque forme de perversité? Et ne commettons-nous pas, nous aussi, des actes pervers envers les autres, singulièrement nos proches? Certes, nous le faisons dans une mesure nettement moins extrême. Mon film est une version grand guignol de ce que nous faisons tous, qu’on se l’avoue ou pas…  »

Sur la misogynie

 » Plus encore que la violence extrême, ce qui énerve les gens est qu’elle soit commise envers des femmes, et que ces femmes continuent à aimer celui qui la leur inflige. Je ne prétends pas que cela reflète la réalité d’une psychologie collective féminine.

Mais qui peut ignorer, dans le cas de violences conjugales répétées, que nombreuses sont les femmes qui persistent à aimer leur partenaire et à vouloir vivre avec lui? Je suis personnellement plus perturbé par le fait que Lou Ford ressent leur amour et continue pourtant à les maltraiter, comme s’il se détestait, au fond, et qu’il les haïssait de l’aimer. Ça, ça devrait tous nous toucher, parce que quand nous avons de la pression, des problèmes, c’est aux plus aimants de nos proches que nous en faisons subir les retombées… Mais plus globalement, il faut prendre le film, tout comme le roman, en tant qu’£uvre de fiction, pas en tant que réalité. Jim Thompson explore à fond une histoire particulière. Il n’entend pas nous dire qu’à son avis toutes les femmes veulent être frappées pendant qu’on les baise! » l

(1) L’assistant-shérif psychopathe, sadique et meurtrier.

Rencontre Louis Danvers, à Berlin

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