Michael Haneke, Palme d’or pour la seconde fois avec Amour, c’était en quelque sorte la chronique d’un triomphe annoncé. Du reste ne s’était-on fait faute de lui demander, quelques jours avant la proclamation et en écho à la rumeur le donnant grandissime favori, s’il faisait grand cas des trophées -question accueillie avec la réserve d’usage: « Les récompenses sont importantes parce qu’elles améliorent les conditions de travail pour votre production suivante. »

Invité à participer à la compétition pour la sixième fois, le réalisateur autrichien fait, pour ainsi dire, partie des meubles d’un festival qui lui avait déjà octroyé son Grand Prix ( La Pianiste, en 2001), le Prix de la mise en scène ( Caché, en 2005) et, bien sûr, une première Palme d’or, pour Le ruban blanc, en 2009. Drame intimiste, Amour s’attache à un couple d’octogénaires dont le lien va être mis à l’épreuve de la maladie. Un sujet bouleversant, inspiré au cinéaste par un drame survenu dans son entourage, et traité avec une force et une sobriété peu banales. Non sans être encore transcendé par un couple d’acteurs justement salués par le jury. « J’ai écrit ce scénario pour Jean-Louis Trintignant, et je n’aurais pas tourné ce film s’il ne l’avait pas fait, nous précisait Michael Haneke. Quant à Emmanuelle Riva, je la connaissais d’il y a 50 ans, dans Hiroshima mon amour , mais je l’avais perdue de vue entre-temps. Quand il a fallu choisir une actrice pour jouer le rôle d’Anna, nous avons passé des auditions avec des comédiennes d’un certain âge. Dès le départ, elle était ma préférée, et les premiers tests ont confirmé qu’elle était la meilleure pour ce rôle. Pas seulement en raison de ses qualités d’actrice, mais aussi parce que avec Jean-Louis, ils forment un couple charmant, dont on peut aisément croire qu’il ait été ensemble pendant une si longue période. »

La réussite d’Amour est à la mesure de leur connivence, bien sûr, mais aussi de la résonance universelle d’un film qui voit un homme faire face à la souffrance déchirante de l’être aimé. Un thème que Michael Haneke a veillé à ne pas surcharger d’enjeux de société: « Mon intention n’était pas du tout d’envoyer un message avec ce film. C’est d’ailleurs quelque chose à quoi je me refuse: ce serait contre-productif par rapport au type de cinéma que je fais. J’ai essayé de simplifier, et de rendre l’histoire aussi directe que possible. Nous pouvons tous nous y identifier, parce qu’il s’agit de thèmes et de questions auxquels nous avons tous été confrontés au cours de notre existence. » Et de nous faire partager une émotion rare et persistante -hanté par la disparition, Amour est de ces films qui demeurent, en effet, jusqu’au vertige…

JEAN-FRANÇOIS PLUIJGERS, À CANNES

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