Kim Ki-duk Lion d’Or vénitien avec sa Pieta, voilà qui ressemble à la surprise du président du jury Michael Mann. Révélé en son temps par The Isle, qu’allaient suivre notamment les formidables Spring, Summer, Fall, Winter… and Spring et autre Bin-jip, le réalisateur sud-coréen aura inscrit son 18e long métrage au c£ur des thématiques ayant irrigué cette 69e Mostra, où il fut surtout question de famille et de religion, sans oublier la pression délétère d’une société gangrénée par l’argent.

A cet égard, Pieta apparaît même emblématique de cette 69e levée vénitienne, le film confrontant un truand mû exclusivement par la cupidité à une femme affirmant être sa mère; de quoi dériver du motif éculé de la vendetta à ceux, plus inspirés, du sacrifice et de l’hypothétique rédemption, entreprise prenant, sous le regard de Kim, un tour impeccablement stylisé quoique un brin artificiel. On ne hurlera donc certes pas au scandale, même si, de l’avis pratiquement unanime, The Master de Paul Thomas Anderson était promis aux honneurs suprêmes -pour au final devoir se « contenter » du prix de la mise en scène à son réalisateur, et de ceux d’interprétation à Joaquin Phoenix et Philip Seymour Hoffman. A croire, d’ailleurs, qu’il y a une malédiction Anderson, lequel avait déjà connu semblable infortune voici cinq ans à Berlin avec le formidable There Will Be Blood –un film auquel The Master ne rend pratiquement rien en ampleur, même s’il s’avère d’un abord plus aride. Anderson y met en scène un gourou (lointainement inspiré du leader de la scientologie, Ron Hubbard) et son disciple, ex-Marine sorti de la Seconde Guerre mondiale dans un état de délabrement moral et physique complets. Et d’explorer, en même temps que les tenants d’un discours pseudo-spirituel frelaté, les fondements d’une relation complexe, d’ordre pour ainsi dire filial -soit, là encore, une forme de synthèse des tendances de la Mostra.

Le théâtre où se reflète le monde

De fait, le religieux est partout, ou peu s’en faut: chez Malick, qui questionne grossièrement l’amour divin dans To the Wonder; chez Seidl qui fait, dans Paradise: Faith, le portrait peu amène et volontiers provocateur d’une femme dévote au-delà du raisonnable, animée qu’elle est par son amour quasi charnel pour le Christ, et par un prosélytisme confinant au délire; voire encore dans le mysticisme à l’£uvre dans La cinquième saison de Brosens et Woodworth,…. Et jusque dans la Bella Addormentata de Marco Bellocchio qui, au départ d’un fait de société ayant défrayé la chronique italienne, transcende le thème de l’euthanasie pour l’étendre à la question du libre choix, son film brassant des questions tant politiques que philosophiques; à quoi se greffe l’aiguillon des tensions familiales. Ces dernières sont, de fait, l’autre n£ud de cette Mostra: torpillée par la cupidité dans E stato il figlio de Daniele Cipri ou At Any Price de Ramin Bahrani; secouée par les élans de la modernité dans Heritage, de Hiam Abbass, la cellule familiale apparaît comme le théâtre où se reflète le monde dans sa complexité -voir, encore, les dilemmes moraux qui animent l’excellent Fill the Void de Rama Bursthein (prix d’interprétation pour Hadas Yaron), ou Thy Womb de Brillante Mendoza. Assurément, il y a là Something in the Air, du titre anglais de Après mai (prix du scénario), l’épatant film d’Olivier Assayas revisitant les engagements politique et artistique du début des années 70. Et qui emprunte aux situationnistes ce qui ressemble à un leitmotiv pour les temps présents:  » L’effondrement d’un monde a commencé sous nos yeux. L’exercice de la vie est devenu un programme révolutionnaire… » l

J.F. PL.

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