Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

LA RÉÉDITION XXL D’UN LIVE DE 1973 DE VAN MORRISON RESTITUE L’ÉTAT DE GRÂCE ÉLECTRIFIANT DU RHYTHM’N’BLUES CELTIQUE DE L’IRLANDAIS NOTOIRE. INDÉMODABLE.

Van Morrison

Triple CD + DVD « … It’s Too Late to Stop Now… Volumes II, III, IV & DVD »

DISTRIBUÉ PAR SONY MUSIC

10

Il grogne, inspire, souffle, s’engorge, renâcle, ferme les yeux -ce qui s’entend- et entraîne de la même manière têtue syllabes et voyelles en pareilles scansions magiques: ce n’est plus du chant, c’est l’homme des cavernes jouissant de ses privilèges. Van Morrison est ce brillant chanteur, grand spécialiste du mutisme hors-scène: à côté Dylan, c’est le café du commerce. La présente et copieuse réédition avec bonus d’un live enregistré au printemps/été 1973 saisit Van Morrison alors qu’il n’a pas 28 ans. Compositeur et interprète post-ado du tube planétaire Gloria avec Them, Van quitte assez vite groupe et patrie nord-irlandaise en 1967 pour s’établir en Amérique. Son deuxième solo, Astral Weeks, bouclé dans la bohème new-yorkaise à l’automne 1968, deviendra l’un des grigris du Rock Historique. Déclaration cinglante d’un mec qui décide de ne pas choisir entre la soul et James Joyce. Ou plutôt d’intégrer les deux dans un mix funky où les volutes de la poésie irlandaise rajoutent une dose de psyché brumeuse. En plus du jazz comme autre ingrédient fondateur. Mais après tout, entre Memphis et Belfast, c’est toujours la même histoire d’oppression, de pauvreté et de sauvegarde par la musique.

Sadiquement

La jeunesse peut servir, ne fût-ce qu’au rayon énergie: début seventies, Van Morrison aujourd’hui vu comme l’ultime grumpy old man -un sourire tous les deux ans- est menu, chevelu et tonique. D’autant plus dans le mouvement que son génial Caledonia Soul Orchestra se compose de onze musiciens pimpants où le segment rock est rejoint par une section de cordes et une autre de cuivres. Prônant la combinaison d’une lecture mélancolique ET ultra-rythmique, par exemple lorsqu’un violoncelle spleen se fait soudain défoncer par saxs et trompettes alors que Van hurle sadiquement « One more time ». Peut-être bien sexuel le truc de Caravan, titre emblématique de Van, qui varie son répertoire chaque soir. Pas de set-list de routine entre le Troubadour, un club de Los Angeles (23 mai 1973), le plus large audiorium du Santa Monica Civic (29 juin) et le Rainbow londonien où sont bouclés, les 23 et 24 juillet, le troisième CD et l’équivalent DVD. Van reprend des classiques -aussi fort qu’Otis Redding dans l’interprétation de Willie Dixon- et il les sublime comme ses propres compositions, dont pas moins de trois versions mirifiques de Cyprus Avenue. Info cruciale: ce coffret est aussi, et peut-être même surtout, destiné aux (jeunes) gens qui planent sur Charles Bradley ou Gregory Porter: the real shit, comme dirait l’autre.

PHILIPPE CORNET

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