CERTAINES PARUTIONS DISCOGRAPHIQUES RÉCENTES, COMME UNE COMPILATION DU PARISIEN FANON RECORDS, OU L’ÉMISSION TV DE BURGALAT, LE BEN & BERTIE SHOW, POSENT LA QUESTION DU LIEN ENTRE MODERNITÉ ET PASSÉ FRANÇAIS. À L’IMAGE DU GRAND JEAN-CLAUDE VANNIER.

Rough Trade sort Année mélodique, produit par Fanon Records, jeune label parisien déjà remarqué pour un assemblage d’interprétations décalées de Brassens. L’album pratique ici les mêmes voies de traverse sur un sujet qui en est aussi le sous-titre: une certaine idée de la variété française 1964-1975. Parmi les noms de chanteurs oubliés (Tonio Rubio, Ann Sorel), on découvre des curiosités comme ce titre écrit en 1968 par William Sheller et Gérard Manset pour Dalida (Je me repose)ou encore un instrumental de Sheila daté de 1969 (Long sera l’hiver). Ces morceaux, et d’autres de Christophe ou Jane Birkin, ont en commun d’être passés sous la houlette d’arrangeurs tels que Michel Colombier ou Jean-Claude Vannier. Les deux ont travaillé entre autres avec Gainsbourg, et Colombier (1939-2004) a réussi une carrière américaine lui valant, notamment, d’arranger l’album American Life de Madonna. L’effet de cette délicieuse compile est de redonner aux arrangements leur noblesse originale, celle d’une France des années 60-70 qui soigne sa musique via cordes et cuivres, élégants et imaginatifs. Ce qu’Arthur H, dans les notes écrites pour le disque, baptise « une sorte de grâce historique ». Qui sonne aujourd’hui comme musique source sans être forcément revendiquée par ses auteurs. Ainsi Jean-Claude Vannier a poliment décliné de parler du « passé », rajoutant « le vintage ne m’amuse plus que dans les brocantes ». Peut-être parce qu’il est davantage connu pour ses (brillants) travaux à destination de Barbara, Polnareff ou Gainsbourg (avec lequel il compose Histoire de Melody Nelson) que pour son actuelle carrière de chanteur. Bertrand Burgalat, le Français qui a sans doute le plus intelligemment assimilé l’héritage musical de la France gaullienne/pompidolienne, raconte comment une artiste australienne voulait avoir pour son disque « le son Vannier ». Lorsque Burgalat lui propose les coordonnées du maître, la fille décline: l’original l’intéresse moins que ses sonorités… Burgalat: « J’ai toujours pensé qu’il fallait afficher ses influences pour s’en affranchir.Ce qui nous paralyse ce n’est pas le passéisme, c’est la peur de… Il faut avoir confiance en soi pour reconnaître ses influences, la copie cachée est ce qu’il y a de pire. Regarde Ravel qui reconnaissait avoir écouté Bach ou Kraftwerk, Maurice Martenot. Il semble qu’aujourd’hui, les gens aient besoin que tout leur rappelle quelque chose, y compris dans les BO de films bourrées de vieux tubes, chargés d’amener le confort, ce qui est terrible. » En charge d’un formidable show musical sur Paris-Première (le Ben & Bertie Show), pour lequel il cite l’influence de Jean-Claude Averty et le sens d' »émission de service public », Bertrand Burgalatrend grâce aux arrangeurs: « Pendant très longtemps, en studio, il y avait séparation des pouvoirs, le compositeur n’était pas forcément l’interprète qui n’était en tout cas pas l’arrangeur, etc. Cela s’est mélangé et aggravé avec le home studio où les gens font tout et, aujourd’hui, on a vachement du mal à faire ce travail d’édition. Je me suis toujours battu pour dire aux arrangeurs le poids de leur travail, et ce, quand ils étaient encore en vie… »

PH.C.

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