De James Ellroy, Éditions Rivages/Thriller, Traduit de l’anglais (Etats-Unis), 841 pages.

 » La véracité pure des textes sacrés et un contenu du niveau des feuilles à scandales. C’est cet assemblage qui lui donne tout son mordant. » Ainsi s’exprime, en préambule, le narrateur. Celui qui fait le lien entre « Maintenant » et « Alors », et qui va détailler par le menu 4 nouvelles années d’histoire US – du 24 février 1968, jour d’un braquage particulièrement sanglant à L.A., au 3 mai 1972, et la mort de J. Edgar Hoover, l’omnipotent et frappadingue patron du FBI. Entre les 2, il y aura 850 nouvelles pages du maître, naviguant comme toujours des hautes sphères jusqu’aux bas-fonds. De la grande Histoire à jamais figée, aux petites, violentes, à jamais enfouies,. Pleines de sang, de flics, de corruption, de scandales et de merde. N’essayons pas de résumer son intrigue; tout y est: l’écume des meurtres de Luther King et du frangin Kennedy (qui faisaient l’objet du précédent American Death Trip), le déclin et la chute de l’Empire Hoover, Vegas, Howard Hugues, la Mafia, les militants noirs, le Vietnam, le trafic d’héroïne, les Cubains, l’avènement de Nixon, le KKK, et même, comme une ultime boucle dans la boucle, des femmes assassinées. Bien sûr, un cerveau normalement constitué ne voit là qu’événements disparates et hoquets de l’Histoire. Ellroy, lui, se convainc depuis 25 ans, et nombre de ses lecteurs avec lui, que tout cela est lié, minuscules rouages sombres d’une seule et même Histoire, celle des Etats-Unis. Et la démonstration, aussi pourrie et réactionnaire qu’elle soit, est à nouveau flamboyante. On a beau vaguement détesté l’homme, sa vision fataliste de ses contemporains, son « fascisme » presque assumé, on ne peut qu’admirer son génie littéraire et s’y plonger comme dans une drogue. Chaque page sonne comme une claque, et en met des dizaines à la plupart de ses collègues. Chez lui, tout est sec et parfait jusqu’à l’éc£urement: la restitution de l’époque, l’architecture narrative, la moindre description, l’amorce d’un dialogue, le plus petit jeu de typo. L’homme n’en a pas fini de ses obsessions et manies – les blacks sont des nègres, les femmes de petits animaux innocents et les gros durs pleurent dans leur bras – mais il en remontre à tous dans le style, le talent et la cohérence de l’imaginaire. Ellroy est un sale type pas drôle, mais un immense écrivain.

O.V.V.

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