Un soir au paradis

Il est des personnalités qui engloutissent la littérature à même le goulot de la vie, font grain à moudre de tout ce qui en déborde: Lucia Berlin, qui a bourlingué des villes minières au Nouveau-Mexique, de Puerto Vallarta au Texas, en est un exemple intense. Seulement 76 nouvelles au compteur jusqu’à sa mort en 2004 (façonnées entre les mailles de quantité de boulots précaires et une famille nombreuse), et pourtant quel tourbillon!  » Nous aurions deux filles, dont l’une deviendrait dentiste et l’autre cocaïnomane » ou  » Elle m’apporta de la crème au chocolat, délice qu’elle réservait aux malades et aux damnés« ? Voilà le genre de surprises acidulées dont est truffé le recueil Un soir au paradis. Dans ces 22 nouvelles où la joliesse cède toujours le pas à la férocité, on monte des arnaques en porte-à-porte dès l’enfance ( Les Vanity-cases musicaux), les femmes rient fort et ont des robes à fleurs tandis que les radios beuglent des mambos ( Itinéraire). Decca et Laura, qui toutes deux ont été un jour la compagne légitime de Max, s’insultent copieusement, comparent leurs bouteilles d’alcool vides tout en s’alliant contre la nouvelle venue ( Les Épouses). Quant à Tiny, un soir de réveillon, elle se réfugie sur le toit et chacun, dans son entourage, en prend aussitôt pour son grade ( Noël. Texas. 1956). Si vous n’aviez pas découvert cette plume drôle, touchante et déglingo avec Manuel à l’usage des femmes de ménage, vous avez droit à une séance de rattrapage aiguisée. De quoi proclamer à votre tour:  » Cette [autrice], mon vieux? Elle est terrible! »

De Lucia Berlin, éditions Grasset, traduit de l’anglais (États-Unis) par Valérie Malfoy, 352 pages.

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