Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

DARREN ARONOFSKY NOUS EMBARQUE DANS L’ARCHE AUX CÔTÉS D’UN RUSSELL CROWE GÉANT, POUR UN FILM BIBLIQUE ALLIANT L’INTIME ET LE SPECTACULAIRE.

Noah

DE DARREN ARONOFSKY. AVEC RUSSELL CROWE, JENNIFER CONNELLY, EMMA WATSON. 2 H 18. SORTIE: 09/04.

8

Du cran de l’audace, Darren Aronofsky n’en a jamais manqué. Il le prouve une nouvelle fois en portant à l’écran le récit biblique de Noé, de son Arche salvatrice et du Déluge. Le cinéaste avait consacré son meilleur film, Requiem For a Dream (sublime adaptation du roman d’Hubert Selby, Jr.), à la chute de quelques junkies des paradis artificiels vers l’enfer d’une bouleversante déchéance. Il s’inspire ici librement de L’Ancien Testament pour évoquer le sauvetage de la nature et de l’humanité par un Noé aussi déterminé dans l’action que déchiré par le doute. Ce dernier surgissant quand la volonté divine réserve ses mystères et confronte le héros à un cruel dilemme entre obéissance aveugle et sentiment profond. L’humain est toujours au centre du cinéma d’un réalisateur que les ambitions inabouties de The Fountain avaient fait tomber avant que la réussite sombrement flamboyante de Black Swan ne le relance vers un succès et une reconnaissance que son talent justifie d’évidence. Plus joueur que jamais, Aronofsky s’est donc attaqué au pari forcément risqué d’un Noah promis à la controverse. Cette dernière étant aujourd’hui agitée par certains groupes fondamentalistes chrétiens et même aussi musulmans, dénonçant les licences prises par l’artiste vis-à-vis du texte présumé divin. Aronofsky, dont le remarquable premier film Pi mettait notamment en scène des juifs orthodoxes cherchant le vrai nom de Dieu dans une formule mathématique, pourra facilement répliquer qu’il n’y a pas un, mais plusieurs textes. Dont les apocryphes hébreux dont il s’est surtout servi…

L’Homme et la nature

Noah ne s’inscrit pas dans l’imagerie traditionnelle, même quand il aborde les visions de son personnage principal, des rêves que cet homme de foi interprète comme des signes de la volonté de celui qu’il appelle le Créateur. Russel Crowe est formidable dans le rôle titulaire. Il allie puissance et fragilité, composant un Noé furieux contre l’humanité au point d’être résolu à sa fin, en une dérive radicale et mortifère qui n’est pas sans en rappeler d’autres, bien actuelles. Aronofky évoque un passé mythique pour nous parler aussi, surtout, d’aujourd’hui. Et la quête de Noé, située dans un monde où font rage des guerres pour la possession de ressources naturelles en voie d’épuisement, devient (aussi) fable écologique. L’Homme et la nature, l’homme et sa nature, sont au coeur du questionnement mis en scène dans un film à la fois très spectaculaire et essentiellement intimiste. Un film que quelques rares scories n’empêchent pas de se révéler prenant, passionnant, et très émouvant.

DARREN ARONOFSKY COSIGNE AUSSI AVEC HANDEL ET HENRICHON NOÉ, UNE BANDE DESSINÉE DONT L’INTÉGRALE PARAÎT EN FRANÇAIS AUX ÉDITIONS DU LOMBARD.

LOUIS DANVERS

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