DE EMMANUEL LEPAGE, ÉDITIONS FUTUROPOLIS, 164 PAGES.

Le 26 avril 1986, une catastrophe nucléaire de niveau 7 ravageait la centrale Lénine, à Tchernobyl, URSS. Une explosion, puis un nuage, puis des retombées. Invisibles, inodores, incolores, aux conséquences pourtant indescriptibles, vertigineuses: selon l’Académie des Sciences de New York, elles auront causé la mort de près d’un million de personnes à travers le monde. Et provoqué la mise en quarantaine définitive d’une zone géographique de plus de 30 kilomètres autour de la centrale, retournée à la vie sauvage et à jamais radioactive. Vingt-deux ans plus tard, en 2008, Emmanuel Lepage et une équipe de l’association Dessin’acteurs sont retournés sur place: dans cette zone interdite et désormais ukrainienne, dans la ville-fantôme de Pripiat, jusqu’au pied même de la centrale, abandonnée par -presque- tous. Presque, car des ouvriers, des agriculteurs, des familles de pilleurs et de nettoyeurs habitent encore aux alentours. But premier de ce voyage dangereux pour la santé, qui se vivra au rythme du dosimètre: réaliser un carnet de voyage (qui vient d’ailleurs d’être réédité, Les fleurs de Tchernobyl, à La Boîte à Bulles) pour une autre association, Les Enfants de Tchernobyl.

Mais Emmanuel Lepage a attendu un autre voyage, et un autre album – Voyage aux îles de la Désolation, déjà chez Futuro- pour replonger dans ses dessins, et trouver le déclic narratif de ce documentaire en bande dessinée, ample et magnifique: dans Un printemps à Tchernobyl, l’auteur parle autant des lieux de la catastrophe que de l’auteur tentant de capturer en dessin les lieux de la catastrophe… Une mise en abîme permanente et profonde, questionnant le rapport entre le dessin et la réalité, entre le beau et l’immonde, entre l’homme et l’auteur.  » Comment puis-je habiter un dessin, convoquer la technique, quand je me sens en danger? (…) Tu crois qu’on peut dire « Tchernobyl c’est beau? » » font ainsi partie des questions qui jalonnent ces 160 planches, souvent superbes, où le noir, l’obscurité et la peur font petit à petit place à la couleur -à Tchernobyl aussi, le printemps revient. Emmanuel Lepage voulait se mesurer à la description de la mort. Il en est revenu avec un formidable témoignage de vie.

O.V.V.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content