Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

À CHEVAL ENTRE L’ESTHÉTIQUE DU CARTOON ET MATISSE, LE TRAVAIL DE TODD JAMES FAIT PÉTER LES COULEURS SANS RENONCER AU FOND.

Pump Pump

TODD JAMES, ALICE GALLERY, 4, RUE DU PAYS DE LIÈGE, À 1000 BRUXELLES. JUSQU’AU 28/02.

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Attention, événement! C’est une véritable légende urbaine que présente ALICE GALLERY jusqu’à la fin du mois de février. Ce, tout juste cinq ans après Infinity Lessons, exposition qui s’était déroulée dans l’espace de la rue Antoine Dansaert et avait fait couler pas mal d’encre. C’est que Todd James n’est pas n’importe qui. Né en 1969, sa carrière artistique commence au début des années 80. Il se fait les dents dans les cages d’escaliers des immeubles laissés à l’abandon de son quartier. Son pseudo? Flash, mais également Ninja. En 82, il étend son domaine d’intervention au fameux « subway »de sa ville natale. C’est à ce moment-là qu’il utilise le nom de REAS qui passera à la postérité en tant que signature marquante de l’âge d’or du graffiti à New York. Très vite, James va évoluer vers d’autres champs d’activité. Dès 1983, Dave Scilken, alors directeur artistique de Jive Records, le prend sous son aile et l’ouvre à une carrière de designer graphique. Il imagine entre autres le logo du magazine hip hop The Source mais bosse également pour Adidas ou Cartoon Network. Quatre ans plus tard, il signe, alors qu’il n’a pas 20 ans et qu’il est un autodidacte complet, le logo iconique « Brooklyn Dust Music Elephant » pour les Beastie Boys. Si les années 90 ne lui réussissent qu’à moitié -il s’adonne au dessin-, les années 2000 le voient revenir en grande forme. Pour lui, la décennie s’ouvre avec Street Market, une installation culte -réalisée en compagnie de Barry McGee et Steve Powers- exposée à la Deitch Gallery. Street Market recrée l’atmosphère foutraque d’une rue à coup d’enseignes lumineuses, de graffitis et de shops reconstitués. De l’avis de tous, le projet est un véritable choc visuel qui sera repris un an plus tard à la Biennale de Venise -ainsi qu’en 2011 au MOCA à Los Angeles.

Travail ambigu

Lentement mais sûrement, le travail de James évolue. Si, au fil du temps, il sort régulièrement du domaine de l’art contemporain -par exemple pour créer une pochette de disque pour Iggy Pop, imaginer des costumes de nounours décadents pour la performance de la chanteuse Miley Cyrus aux MTV Awards, ou encore pour réaliser l’excellent clip vidéo du single The Troubles de U2-, sa base est depuis quelques années assurée par son travail pictural. Celui-ci témoigne d’un regard inquiet sur notre monde. Qu’il représente des bimbos à gros seins, des armes automatiques ou des pirates somaliens, Todd James refuse la posture et la position confortable. « Il décrit une société schizophrène, consciente de sa propre responsabilité et désinvolte par hédonisme. Son humour plastique sert de carburant à une réflexion progressiste« , pointe le galeriste Raphaël Cruyt avec beaucoup d’à-propos. La forme excessivement léchée des oeuvres présentées, qu’il s’agisse de natures mortes ou de nus, flirte avec l’abstraction colorée, évoquant à maints égards les cut-outs de Matisse. Celle-ci enrobe tout son travail d’un miel visuel. Cette esthétisation rappelle combien nous participons activement à tout ce que nous dénonçons. C’est à mettre au crédit de James de ne pas s’abstraire de ce constat. Après la visite de l’exposition, on conseille, si ce n’est pas déjà fait, d’aller voir ses interventions murales à Charleroi -notamment à la station de métro Beaux-Arts- réalisées en 2014.

WWW.ALICEBXL.COM

MICHEL VERLINDEN

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