Après avoir incarné George Bush dans W, l’acteur retrouve Oliver Stone pour Wall Street II, où il campe un financier sans scrupules. Du cousu main, ou presque…

Aux côtés de Michael Douglas, impérial pour ses retrouvailles avec Gordon Gekko, Josh Brolin est l’atout-maître de Wall Street II, où il campe un financier ayant fait de l’avidité son moteur exclusif, carnassier ou plutôt charognard prompt à exploiter le moindre signe de faiblesse de ses concurrents. Un rôle que l’acteur endosse avec une conviction et une puissance peu banales -son Bretton James a la solidité en apparence inébranlable d’un seigneur, et vient compléter une galerie de portraits de personnages bien trempés, de Trupo, l’officier corrompu d’ American Gangster, à Dan White, le conseiller municipal qui allait abattre Harvey Milk.

Brolin est le prototype de l’acteur qui s’est révélé sur le tard. S’il débute gamin au grand écran, dans les fameux Goonies de Richard Donner, ses années 90 ressemblent à une longue traversée du désert, ponctuée de films vite oubliés, de Nightwatch en Flirting with Disaster, et c’est à peine si l’on ose encore mentionner The Mod Squad. En dépit d’un Hollow Man prometteur, les années 2000 ne sont guère mieux engagées lorsque, en 2007, les Coen brothers l’embarquent dans No Country for Old Men. A presque 40 ans, Brolin devient l’une des nouvelles coqueluches du cinéma américain, courtisé aussi bien par Robert Rodriguez ( Planet Terror) que par Woody Allen ( You Will Meet a Tall Dark Stranger). Illustration de cet engouement qui ne semble pas près de se démentir: l’acteur que l’on rencontre à Cannes n’est pas là pour un mais pour deux films, le Allen précité, et le nouveau Oliver Stone.

Stone, Josh Brolin l’avait déjà pratiqué il y a peu, puisqu’il campait George Bush dans W, un rôle marquant pour un film qui l’était moins. Et une expérience sur laquelle il a déjà tout dit, mais qu’il accepte d’évoquer une fois encore: « Le plus important à mes yeux était de réussir à l’humaniser, j’étais effrayé à l’idée de ne pas y arriver. Je ne voulais pas d’une petite variation comique. On a beaucoup voyagé dans sa vie, je n’ai pas arrêté d’écouter sa voix, ce qui n’était pas vraiment indispensable à mon bonheur. Autant dire que j’ai été ravi d’en avoir fini, et que je n’ai nullement l’intention d’en tourner la suite… » (rires) Oliver Stone non plus, sans doute, et c’est tant mieux -en lieu et place de quoi le réalisateur s’est attelé à ce Wall Street II, conviant Brolin à la fête.

Un paysagiste chez les traders

Sans qu’il y ait là de lien de cause à effet, le monde de la finance, l’acteur connaissait. Lors de ses années de vache maigre, Josh Brolin s’est en effet reconverti paysagiste – « je devais faire quelque chose de physique, je ne pouvais me résoudre à passer mon temps à attendre à côté du téléphone, et c’est encore vrai aujourd’hui »-, mais aussi boursicoteur. « Les films que je tournais étaient totalement dénués d’intérêt, j’ai vendu mon ranch, un moment d’une tristesse infinie, et Mark Mortensen, un ami qui se trouve être un trader génial m’a appris comment procéder: il m’a expliqué la discipline émotionnelle, mais aussi comment lire les stocks, les algorithmes, et les choses importantes. Ayant la bosse des maths, tout cela est venu assez naturellement, et je m’en suis bien sorti, sans courir après le gros coup toutefois… » Trader, certes, mais à échelle modeste, et sans commune mesure donc avec Bretton James, un personnage dont Brolin confesse d’ailleurs que le plus difficile fut de lui trouver une certaine humanité – « Pour comprendre un personnage, sans devoir l’aimer pour autant, il est essentiel de se soucier de sa part d’humanité. Ce fut d’autant plus dur dans le cas présent que Bretton James n’a pas de c£ur à mes yeux. C’est un type qui pourrait nuire au monde entier pour son seul bénéfice personnel. Il sait comment tirer parti du fait que les gens aiment être perçus pour plus qu’ils ne sont vraiment -ce qui correspond exactement à l’attitude des banques d’investissement… « 

S’agissant d’investissement, Josh Brolin apparaît dé-sormais comme un placement modèle -le genre d’acteur que l’on retrouvera prochainement chez les Coen à nouveau, mais aussi en héros de l’adaptation du comic Jonah Hex, ou encore dans Men in Black III: « Je veux pouvoir essayer n’importe quel genre de film, et n’importe quel type de personnage. Pour mon plaisir, mais aussi pour le risque. J’aimerais procéder au cinéma comme je le faisais au théâtre. De par le surcroît d’attention, la pression est plus grande, mais oser quelque chose, au risque de me planter, me convient: je redoute plus que tout le moment où je jouerai en sécurité. Attendez True Grit des frères Coen, j’y fais vraiment des trucs bizarres. Même Ethan était scié… » On ne demande qu’à voir.

Rencontre Jean-François Pluijgers, à Cannes

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