Benzinho, un amour majuscule

© DR
Louis Danvers
Louis Danvers Journaliste cinéma

Gustavo Pizzi célèbre dans Benzinho la solidarité d’une famille terriblement attachante. Rencontre.

Les prix s’accumulent pour fêter Benzinho (1), coup de coeur festivalier des derniers mois. Ceux du public et de la critique tombent simultanément, chose rare, et celui de la meilleure actrice est remporté par Karine Teles, dont le personnage de mère courage et toujours optimiste marque d’évidence tant les coeurs que les esprits. Gustavo Pizzi peut dire « mission accomplie », lui dont le deuxième long métrage est comme une déclaration. « Oui, c’en est une! Une déclaration de foi en l’humain, en sa capacité à défier les épreuves avec cet amour inconditionnel dont fait sans cesse preuve Irène, et qui gagne toute sa famille, ses enfants, son mari, sa soeur« , clame le cinéaste brésilien. Lequel a nourri son film de nombreux éléments de sa propre vie. Jeune, Pizzi a beaucoup pratiqué le handball, comme le fils aîné d’Irène qui veut devenir « pro » en Europe. « Les scènes où il joue ont été tournées dans la salle où je jouais moi-même adolescent« , précise le réalisateur qui ne fait pas pour autant de Benzinho un film autobiographique. « C’est une histoire simple, explique-t-il, sur une mère dont le film doit nous faire ressentir et partager ce qu’elle ressent. Le spectateur doit entrer dans sa tête -d’où l’usage fréquent du gros plan sur son visage-, saisir les connexions qui existent entre elles et les siens, et entre les membres de la famille et le monde dans lequel nous vivons tous. »

Karine Teles, merveilleuse interprète du personnage d’Irène, a co-écrit le scénario de Benzinho, comme elle l’avait déjà fait -en plus d’y jouer- pour le premier long métrage de Pizzi, Riscado, en 2010. « Nous étions mari et femme, et avons eu ensemble deux enfants. Ils jouent les jumeaux dans le film« , commente le cinéaste qui entend bien continuer, par-delà leur divorce, à faire de Teles l’interprète centrale de sa prochaine réalisation. « Il y a beaucoup d’elle dans le personnage d’Irène… et beaucoup de moi aussi. »

Un film honnête

Gustavo Pizzi fait sienne l’ambition du réalisateur mis en scène par Federico Fellini dans son génial 8 1/2 de 1963. « Il se heurte à plein d’obstacles qui empêchent son film de se faire, et à un certain moment, il dit que sa seule aspiration est simplement de « faire un film honnête » , un film qui vienne de lui et qu’il puisse proposer en partage. Je pourrais reprendre ce qu’il dit mot pour mot. Faire des films depuis l’intérieur de soi, sur ce qu’on connaît intimement, pour pouvoir le transmettre, faire du bien à celles et ceux qui seront leurs spectateurs… »

Le but du Brésilien est de « trouver constamment la juste balance entre émotion et sensation, d’arpenter sans cesse une fine ligne en conservant l’équilibre« . Utiliser la musique à rebours de ce que suggèrent les images n’est qu’une de ses méthodes pour « éviter tout pléonasme« . Il se plaît aussi à « choisir les comédiens à contre-emploi, comme le mari de la soeur d’Irène, qui la harcèle violemment et qui est joué par un acteur uruguayen tout ce qu’il y a de plus doux et gentil. Une crème de mec, pour jouer un salaud, pour le contraste, parce que sinon ce serait moins intéressant, humainement et narrativement… »

Cette approche délicate mais forte, généreuse, jamais paternaliste ou mièvre, il n’aurait pu la mener à terme dans Benzinho sans ouvrir à ses personnages un avenir positif. « Achever un film de manière sombre et négative, dans le misérabilisme ou par la mort du personnage principal, est pourtant bien plus facile en termes de narration mais aussi de « pitch », explique-t-il. Il a été très difficile de « vendre » le projet de Benzinho à des producteurs, car tout le monde se méfiait de l’optimisme et de l’amour, de la célébration de la famille, et du fait que personne ne mourait à la fin… » Gustavo Pizzi peut en sourire aujourd’hui. Il a tenu bon, résisté aussi à toute tentation sentimentale. Avec une grande motivation: « Le monde où nous vivons n’est-il pas déjà assez dur, assez moche, pour qu’on y ajoute encore par nos films du désespoir ou du cynisme? Je veux croire en la puissance de l’amour. Pas l’amour romantique, mais celui que nous avons tous en nous, potentiellement, celui qui, au quotidien, peut aider à changer le monde! »

(1) « Chéri » en traduction française.

Vous avez repéré une erreur ou disposez de plus d’infos? Signalez-le ici

Partner Content