Présent pour la première fois en sélection officielle au titre de réalisateur, Mathieu Amalric s’en repart de Cannes avec le Prix de la mise en scène. Tournée générale!

Si le Prix d’interprétation cannois s’est toujours refusé obstinément à l’acteur Mathieu Amalric, habitué des Marches et jouant pourtant régulièrement placé, que ce soit pour Le Scaphandre et le papillon de Julian Schnabel ou pour Un conte de Noël d’Arnaud Desplechin, le réalisateur aura, pour sa part, transformé l’essai à sa première sélection en compétition, sa Tournée lui valant le Prix de la mise en scène. Une reconnaissance venue récompenser un auteur que titilla fort jeune le désir de réaliser -« J’ai commencé en voulant faire des films, à 17 ans », raconte-t-il. Et qui occupa d’ailleurs des fonctions diverses auprès de Otar Iosseliani, Louis Malle et autre Joao Monteiro, avant qu’Arnaud Desplechin ne lui confie le rôle de Paul Dedalus dans Comment je me suis disputé… (ma vie sexuelle), un César du meilleur espoir et des perspectives nouvelles à la clé: « C’était un cadeau merveilleux de la vie, et de Arnaud, et j’ai continué », poursuit Amalric.

Bien que l’accaparant à temps plein, et plus encore, ses occupations d’acteur ne le détournent pourtant pas de son désir premier. Il trouve, du reste, les moyens de réaliser dans les plis une flopée de courts métrages et 3 longs -soit, dans l’ordre et depuis 1997, Mange ta soupe, Le Stade de Wimbledon et La Chose publique. Quant à Tournée, il y pense depuis un bon moment, déjà. Mais voilà, objet de nombreuses sollicitations, « des projets irrésistibles de cinéastes », les Desplechin, Resnais et autres frères Larrieu, quand il ne s’agit pas d’allerjouer les méchants chez James Bond, Mathieu Amalric doit laisser le temps au temps. Et repousser en conséquence un film dont le point de départ est L’envers du music-hall, un texte de Colette. « J’ai cherché quelque chose qui résonne avec ce texte, une même pulsion, aujourd’hui. », explique-t-il. Un désir qui l’amène du côté du New Burlesque américain, avec ses strip-teaseuses aux formes généreuses et au naturel décomplexé. Ajoutez-y un personnage de producteur aventurier et flamboyant, inspiré des Paulo Branco, Jean-Pierre Rassam et autre Humbert Balsan et le scénario prend forme, la percussion des 2 histoires débouchant bientôt sur un road movie atypique. A savoir la tournée française d’une troupe d’effeuilleuses, conduites par un impresario sur le retour -qu’Amalric n’a laissé à nul autre le soin d’interpréter. Et un film en prise décalée sur le monde, qu’il appréhende dans un mélange d’humour, de poésie et de mélancolie, à quoi il ajoute une pointe de subversion ironique.

Si Mathieu Amalric évoque furieusement à l’écran le Cosmo Vittelli de The Killing of a Chinese Bookie de John Cassavetes, c’est aussi à la naissance d’un metteur en scène que l’on a le sentiment d’assister. « On a cette impression chaque fois, tempère-t-il. Si on pouvait juste oublier un moment qu’il y a quelqu’un en train de faire un film, ce serait pas mal…  » A cet égard, le prix glané à Cannes devrait lever ses doutes. Les problèmes d’agenda du réalisateur-acteur (il tournera prochainement avec Marjane Satrapi, et ensuite avec Arnaud Desplechin) ne font sans doute que commencer…

J.F. PL.

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