DE FRANCIS FORD COPPOLA. AVEC VAL KILMER, BEN CHAPLIN, ELLE FANNING. 1 H 29. SORTIE: 11/04.

Voilà quelques années maintenant que Francis Ford Coppola semble connaître une seconde jeunesse, Youth without Youth et Tetro ayant témoigné d’un appétit retrouvé pour le cinéma, que vient aujourd’hui confirmer Twixt. S’agissant de ce dernier, c’est assurément l’un des films les plus curieux jamais tournés par le réalisateur de The Conversation qui, sous couvert de film d’horreur fauché, livre ce qui est peut-être son £uvre la plus intensément personnelle à ce jour.

Soit donc Hall Baltimore (Val Kilmer), sorte de Stephen King à la petite semaine atterrissant un jour à Swan Valley, un bled de la cambrousse américaine, pour une séance de dédicaces. A l’instar des sept cadrans horaires du beffroi, l’excentricité a ici pignon sur rue, le shérif (Bruce Dern) en étant l’incarnation la plus allumée, qui va entraîner l’écrivain dans une curieuse affaire de meurtre. Flairant là un potentiel sujet de roman, Baltimore n’en est qu’au début de ses surprises: c’est un voyage au c£ur de la nuit qu’entreprend l’auteur, où l’apparition du fantôme d’une jeune fille (Elle Fanning) se confond avec son histoire personnelle, Edgar Allan Poe (Ben Chaplin) se chargeant pour sa part de lui prodiguer ses (bons) conseils.

Les fantômes de Coppola

On peut parler de retour aux sources pour Coppola qui renoue, dans Twixt, avec la veine gothique de son premier long métrage, Dementia 13, réalisé en 1963 pour Roger Corman. Une manière de boucler la boucle, en quelque sorte, pour un essai qui, en première lecture, tient du film d’horreur un brin bancal, ni plus ni moins, avec ses histoires de fantômes et de vampires dispensées dans la lueur spectrale de l’astre lunaire. En d’autres mains, voilà qui aurait pu tourner à l’aimable nanar. C’est toutefois compter sans la patte de Francis Ford Coppola qui retrouve par endroits la grâce en noir et blanc de Rumble Fish quand il ne convoque pas la magie du cinéma des premiers temps -voir ainsi la séquence qui envoie Poe et Baltimore sur une corniche montagneuse, en un vertige purement fantasmagorique.

S’il y a là l’expression d’un évident plaisir de filmer, l’intérêt de Twixt se situe également ailleurs. Comme souvent, l’auteur y nourrit son cinéma de son histoire personnelle, précepte à l’£uvre de The Godfather à Tetro en passant par Tucker. Impossible de ne pas voir, cette fois, en Val Kilmer le propre alter ego du cinéaste, et dans le drame qui le hante un écho limpide à celui vécu par Coppola lui-même au milieu des années 80, lorsqu’il perdit son fils dans un accident de bateau. Parti à la rencontre de ses fantômes, FFC signe bien plus qu’un curieux film fantastique parsemé de traits d’humour obliques: rarement, sans doute, son auto-filmographie est-elle apparue aussi singulièrement troublante, la frontière entre l’auteur et son £uvre s’avérant plus floue que jamais. Pour sûr, Twixt n’a pas fini de nous hanter. l

JEAN-FRANÇOIS PLUIJGERS

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