Tunnel of love

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Après le triomphe de Are We There, Sharon Van Etten donne de nouvelles couleurs à son indie-rock à fleur de peau. synthétiques mais sensibles.

Cinq ans ont eu beau s’écouler, on n’a pas vraiment oublié Are We There. Quatrième album de Sharon Van Etten, il montrait l’Américaine exposer ses plaies avec une violence et une sincérité aussi désarmantes que marquantes. À travers ses morceaux rock indé, la jeune femme évoquait notamment une relation amoureuse toxique qui l’avait laissée groggy, complètement déboussolée. Les grands traumas ne font pas forcément les meilleures chansons. Dans le cas de Van Etten, cependant, la démarche thérapeutique avait permis d’engendrer une série de morceaux crève-coeur, quasi tous transperçants. En outre, le disque lui avait permis d’élargir considérablement son public. Une double victoire.

« Sitting at the bar, I told you everything », chante ainsi l’intéressée en ouverture de son nouvel album. « You said: ‘holy shit, you almost died' », prolonge-t-elle. Comme pour rappeler la profondeur de la blessure. Mais aussi la volonté de tourner définitivement la page, et de passer à autre chose. Le pari, en partie, réussi de Remind Me Tomorrow.

Nouvelles frontières

Comment enchaîner après un succès? Comment rester fidèle à soi-même, sans pour autant se répéter? Balancé en octobre dernier, un premier single, Comeback Kid, donnait en partie la réponse. Loin de la patine naturaliste de ses premiers essais folk-rock, Van Etten se pointait en héroïne new wave triomphante, façon Siouxsie and The Banshees ou encore Kate Bush. Les synthés eighties n’y étaient pas pour rien, les batteries pétaradantes non plus.

Comme de nombreux artistes avant elle, Sharon Van Etten a donc choisi de modifier sa palette. Remind Me Tomorrow est un pas en avant, la manifestation d’une envie irrépressible de se renouveler. Comment en aurait-il pu être d’ailleurs autrement? Depuis Are We There, la vie de Sharon Van Etten a considérablement changé. Grâce au succès, mais pas seulement. En même temps qu’elle a fait ses débuts de comédienne (dans la série The OA), composé sa première musique de film ( Strange Weather), la musicienne s’est également formée pour devenir conseillère-thérapeute: « Souvent, après les concerts, les gens faisaient la file pour venir me raconter quelque chose d’intense qui avait marqué leur vie, expliquait-elle récemment au Guardian. Émotionnellement, c’était parfois dur à encaisser. J’ai commencé à me sentir illégitime. » Dans le même temps, Sharon Van Etten est encore devenue maman. Le genre d’événement qui bouleverse forcément les perspectives…

Tunnel of love

Dans le cas de Sharon Van Etten, la parentalité n’a pas seulement modifié, physiquement, le timbre de sa voix. En rendant plus aiguë la conscience du temps qui passe, elle l’a également poussée à faire des choix plus clairs, plus tranchés. Van Etten a donc privilégié les vieux synthés aux guitares, avant de filer ses démos au producteur John Congleton. Avec pour objectif de tailler des morceaux plus compacts et directs. Il serait faux de dire que le nouveau costume ne baille pas par endroits: ici ( Memorial Day) et là ( Stay), Van Etten passe parfois pour la spectatrice endormie de ses propres morceaux. Le plus souvent, elle enfile cependant ses chansons avec une fougue retrouvée, comme sur l’hymne Seventeen. Combative, et toujours portée par le même désir d’honnêteté.

Sharon Van Etten

« Remind Me Tomorrow »

Distribué par Jagjaguwar.

7

En concert le 30/03, au Botanique, Bruxelles.

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