Tu aimeras ce que tu as tué

Comme beaucoup de villes, Chicoutimi est banale et désaxée -à côté de l’Histoire, à côté du sublime. Faldistoire, jeune narrateur, la hait. Ici, pas de plainte -elle ne serait pas entendue de toute façon-, mais des coups de poing, du sang, du sperme, des animaux empaillés et de l’humus poisseux. À Chicoutimi, les enfants meurent dans des meurtres insensés. Depuis que la petite Sylvie est passée par la broyeuse de la déneigeuse, le désaxage s’accélère. Le jeune Croustine est poussé par son père dans la fosse des cougars. Sébastien, Marie-Loup et Pierre-Luc viennent à leur tour occuper les trous du cimetière -mais pas pour longtemps. La plupart des enfants reviennent après leur mort, orchestrant une revanche sur cette ville qui abrite la violence des adultes et qui les broie. Avec sa langue punk et vive, Kevin Lambert en fouille les entrailles pour dérouler un récit qu’on ne lâche pas. Un hymne révolté et sans concession qui donne une place aux victimes des mensonges d’une société pourrie. Entre visions prophétiques, humour noir et férocité poétique, il vise juste et profond. Buter les apparences, tel semble le projet jouissif de Kevin Lambert. Il figure une nouvelle fois, après Querelle, sur la liste du prix Médicis, et on s’en réjouit.

De Kevin Lambert, éditions Le Nouvel Attila, 204 pages.

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