VINCENT QUIVY PART SUR LES TRACES DE L’ACTEUR, MUSARDANT DE PLATEAUX DE CINÉMA EN SCÈNES DE THÉÂTRE ET AU-DELÀ, POUR TENTER DE CERNER L’HOMME ET SON MYSTÈRE.

Jean-Louis Trintignant, L’inconformiste

DE VINCENT QUIVY, ÉDITIONS DU SEUIL, 448 PAGES.

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Et Dieu créa la femme, Le Fanfaron, Un homme et une femme, Trans-Europ-Express, Z, Ma nuit chez Maud, Le Mouton enragé, et puis Rouge, Un héros très discret ou Ceux qui m’aiment prendront le train…: la filmographie de Jean-Louis Trintignant égrène les titres majeurs. Jusqu’à, récemment, Amour, de Michael Haneke, coda à la mesure d’un parcours d’exception, l’occasion, parmi d’autres distinctions, d’un premier César que le comédien se gardera de venir chercher, discrétion oblige. On ne se refait pas, en effet. Et Vincent Quivy, l’auteur de cette biographie détournant le titre de ce qui reste peut-être le plus grand rôle de l’acteur, Le Conformiste, de Bernardo Bertolucci, raconte comment, lorsqu’il l’approcha, Trintignant lui répondit: « A mon âge, vous savez, tout ça ne m’intéresse plus. Bien sûr, vous pouvez écrire un livre. Et si des gens m’appellent pour savoir si je suis d’accord, je leur dirai de répondre à vos questions. Mais moi, non, je ne suis pas friand de ça. »

A défaut donc de son témoignage, Quivy a décidé de partir sur les traces de Jean-Louis Trintignant, un périple qui l’a conduit de Pont-Saint-Esprit à Alès au prix des détours innombrables d’une route passant par Paris et Rome, parmi d’autres, pour remonter le fil de 60 ans de carrière en même temps qu’il tentait de cerner l’homme et son mystère au plus près. L’inconformiste, donc, qui assura un jour, avec la modestie qui le caractérise: « Moi, je n’ai pas fait grand-chose. Ce que j’ai fait, je l’ai fait parce que je ne savais rien faire d’autre. Je pense que j’ai eu de la chance. J’ai eu une belle vie, mais je pense qu’il n’y a rien à en retenir. » A quoi cet ouvrage, remarquablement documenté -aux articles, critiques de presse et autres archives s’ajoutent les témoignages de proches ou de collaborateurs-, s’emploie à apporter un passionnant démenti.

« Il porte en lui comme une résistance à la médiocrité », écrivit à son sujet le quotidien Le Monde à l’occasion de la sortie de Ceux qui m’aiment prendront le train, de Patrice Chéreau. Et c’est en effet l’impression qui ressort de la lecture de ces 400 pages serrées qui montrent Trintignant, définitivement « plus comédien que vedette »,évoluer du « joli garçon » des débuts à l’acteur tout de tension contenue et d’ambiguïté des rôles de la maturité -la vie aussi est passée par là, qui ne l’a certes pas épargné. Soit un portrait mosaïque mais néanmoins cohérent de l’homme, secret et solitaire, et de l’artiste, curieux et exigeant, acteur hors-normes s’étant épanoui à l’abri d’une célébrité dont il n’avait cure, pour laisser, ne lui en déplaise, une trace indélébile dans l’imaginaire des spectateurs, de théâtre comme de cinéma d’ailleurs. Un grand monsieur, tout simplement.

JEAN-FRANÇOIS PLUIJGERS

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