INEXORABLEMENT, LA TENDANCE « TRANS » GAGNE DU TERRAIN DANS LA CULTURE POP, À L’IMAGE DE LA FORMATION COLORÉE HERCULES AND LOVE AFFAIR, SYMBOLISANT LE MYSTÈRE D’UNE TROISIÈME VOIE ASSUMÉE. FOCUS REFAIT L’HISTOIRE DES GENRES…

En latin, « trans » signifie de « l’autre côté », en langage courant, la transsexualité désigne la transgression des pôles sexuels: un homme devenant femme ou inversement, même en gardant ses attributs premiers. Avec la sensation que le corps de départ n’est pas le bon: les premières chirurgies ont lieu dès les années 20. La Factory de Warhol incarne l’immiscion du trans dans le rock: Lou Reed, qui fréquente la bande, sort un bout de temps avec Rachel, un Il qui se présente en Elle. C’est l’Amérique qui s’avère pionnière absolue en la matière: à sa mort en 1989, le corps du pianiste jazz Billy Tipton (1914) révèle qu’il est en fait une femme, cachotterie -ignorée de ses propres enfants adoptés- ayant duré plus d’un demi-siècle. Bowie servira une nouvelle fois de révélateur en incarnant une multi-sexualité, parfois bi, parfois trans: le considérable succès de son personnage seventies Ziggy Stardust demeure encore une référence d’envergure pour le XXIe siècle. Petit abécédaire dans le même… genre.

Warhol et la Factory 1

Si Andy Warhol semble lui-même plutôt asexuel, il construit dans les années 60-70 un véritable empire des sens, déclinant l’exhibition sexuelle autant que la création visuelle. Les 2 produisant des films comme Flesh (1968) et Women In Revolt (1971) où apparaît Candy Darling, détentrice, selon la définition warholienne, de  » quinze minutes de gloire ». Né James Lawrence Slattery dans le Queens en 1944, Candy sera l’une des premières stars trans, parcours fugace terminé en 1974 pour cause de leucémie. Sa camarade de la Factory, Jackie Curtis, overdosée en 1985, connaîtra la même flamboyance « transgender », inspirant quelques phrases au Walk On The Wild Side de Lou Reed.

David Bowie 2

En avril 1971, Bowie, boucles blondes tombantes, est habillé d’une longue robe colorée et de bottes gonzesses sur la couverture de l’album The Man Who Sold The World. Inspiré, semble-t-il, par une peinture pré-raphaélite, il y est ouvertement féminin. Une ambiguïté qu’il creuse en créant le personnage de Ziggy Stardust en 1972: tenue et maquillage glam, cuissardes et poses aguichantes, mimant à l’occasion une fellation avec la guitare de Mick Ronson. Pour Hunky Dory, sorti fin 1971, Bowie s’inspirera de photos de Marlene Dietrich.

New York Dolls 3

Vulgaires, les New York Dolls le sont à la manière d’un film cheap & kinky de la 42e rue: forcenés hétérosexuels, la bande s’offre pourtant un look « méga tapette » qui contraste joyeusement avec une giclée rock en testostérone. En pochette du premier album éponyme à l’été 1973, ils apparaissent invraisemblablement fardés, cheveux exagérément crêpés, talons atrocement hauts. Avec les Stooges, leur pendant trash-street de Detroit, ils préfigurent le punk de 1976. Malgré l’abondance de cadavres -quand même 4 musiciens morts depuis les débuts-, les originaux David Johanssen et Sylvain Sylvain ont repris la messe rock en 2004, laissant tomber maquillage et fripes femelles, ce qui autour de la soixantaine est sans doute mieux.

Jayne County 4

Né garçon en 1947 en Géorgie, Wayne Rogers de son vrai nom est l’un des seuls performers à avoir changé de sexe quasi publiquement. Aspiré, lui aussi, dans la bande à Warhol de la fin des sixties, il participe aux émeutes du Stonewall Inn new-yorkais en juin 1969, étape décisive de la reconnaissance du mouvement gay américain. Wayne sort de sa coquille arty dans le punk londonien de 1977, où avec son groupe, The Electric Chairs, il fait transpirer les murs des clubs fréquentés par les tribus No Future. Peu après, Il deviendra Elle.

Marilyn et RuPaul 5 & 6

Si le punk épanouit le trans, la scène nocturne des boîtes mélange les sexes dans un grand vortex jouissif. Marilyn, petit ami de Boy George, décroche un hit international en 1983 ( Calling Your Name) avant de s’enfoncer dans l’habituel brouillard de stupéfiants. Plus résistant, RuPaul, drag-queen californien, la joue à l’américaine: de pseudo tubes mouillés en émissions de télévision, ce désormais quinqua auteur du hit nineties Supermodel rôde toujours dans la zone publique en 2011…

Antony Hegarty 7

Talent vocal majeur du XXIe siècle, ce grand garçon un peu pataud né en Angleterre et installé à New York symbolise à sa manière le questionnement trans. Pas seulement parce qu’il dit avoir renoncé à son statut de mâle pour adopter celui de « transgender », mais aussi parce que sa voix franchit toutes les barrières, mâle ou femelle, dans ses multiples collaborations ou avec son groupe, Antony & The Johnsons. Dont le second et magnifique album I Am A Bird Now (2005) proposait une photo de la Candy Darling warholienne…

Hercules And Love Affair 8

Au printemps 2008, le premier disque de ce combo disco-house mené par un DJ de Denver, Andrew Butler, impressionnait charts et critiques: la musique étant à l’unisson du personnel, transgenre, avec Antony Hegarty, présent sur 5 plages, et l’impressionnant(e) Nomi Ruiz, en provenance de Brooklyn. La formule actuelle a remplacé Miss Ruiz par Aerea Negrot, trans du Venezuela basée à Berlin. Ce trajet discographique devenant un possible symbole de liberté. Transnationale, bien sûr. l

HERCULES AND LOVE AFFAIR EST EN CONCERT LE 6 MARS AU BOTANIQUE À BRUXELLES, WWW.BOTANIQUE.BE

TEXTE PHILIPPE CORNET

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