Michel Verlinden
Michel Verlinden Journaliste

AVEC ARCHÉOLOGIE SUBJECTIVE, CONTRETYPE PROGRAMME UNE EXPOSITION TOUCHANTE QUI PARLE DU TEMPS QUI PASSE, DU FOUILLIS ET DU VIVANT QUI RECYCLE TOUT.

Archéologie Subjective

CONTRETYPE, 4A, CITÉ FONTAINAS, À 1060 BRUXELLES. JUSQU’AU 13/09.

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Archéologie Subjective. Le titre interpelle. Il a tout d’un oxymoron. Car qui dit « archéologie » dit « science », « objectivité ». C’est comme cela qu’est perçue cette discipline qui consiste à « dresser le portrait de ceux qui nous ont précédés » à travers les traces et les artefacts qui ont été les leurs. Embarquant avec elle les regards de trois photographes -Daniel Desmedt, Lewis Koch et Jacques Vilet-, la présente exposition a en commun avec l’archéologie de faire valoir un caractère systématique d’inventaire. Il est question ici d’exhumer des vies anonymes et minuscules par le biais de leurs objets les plus dérisoires. La démarche n’est pas sans évoquer une très touchante thématique, souvent reprise dans la littérature, la peinture ou la philosophie: celle du passage sur Terre. On pense tout particulièrement aux fameuses sandales d’Empédocle laissées par le vieux sage au bord de l’Etna, où il se jeta, ou encore aux godillots de Van Gogh, au creux desquels Heidegger détectait « l’obscure intimité » d’une frêle existence. Le tout pour un rapport qui se situe dans la logique de l’inversement proportionnel: plus la trace est ténue, plus l’existence de celui qu’elle convoque est sacrée. Impossible de ne pas songer à La Vie d’André Dufourneau de Pierre Michon, qui raconte le destin malheureux d’un enfant de l’Assistance publique parti tenter sa chance en Afrique. A l’heure de l’écrire, il ne subsiste plus de cette odyssée que quelques grains de café vert dans le fond d’une armoire. Un café que nul ne goûtera jamais. Comme l’explique Michon: « (…)brûlé et consommable, il eût déchu, profane, dans une odorante présence; éternellement vert et arrêté en un point prématuré de son cycle, il était chaque jour davantage d’hier, de l’au-delà, d’outre-mer. » Il appartenait au registre « de ces choses qui font changer le timbre de la voix lorsqu’on en parle« .

Contre la montre

« Les photographies produites ici sont de diverses natures, mais le souci réside à chaque fois dans la volonté de capter, conserver des empreintes, figer une réalité avant son effacement complet. » Telle est la note d’intention d’Archéologie Subjective, qui révèle le fil rouge reliant les travaux des trois photographes mis en présence. Lesquels travaux se ressemblent mais divergent aussi, en ce qu’ils évoluent dans des registres différents et… sont justement de nature à changer le timbre de la voix. A travers la série + Rien, Daniel Desmedt (Bruxelles, 1957) pose son regard sur des objets « devenus orphelins« -comprendre des choses livrées à elles-mêmes, débarrassées de propriétaires. Autrefois embarquées dans le récit d’une vie de famille d’une maison longtemps occupée, ces traces sont comme échouées, laissées pour compte « du sens et de la mémoire« , un peu « comme des photos de famille dont on aurait perdu la narration« . Jacques Vilet (Tournai, 1940), quant à lui, livre à travers Classement Cent Suites des clichés qui « organisent le désordre sans le trahir« . Boîtes à couture, tiroirs, casiers remplis de petits objets, dossiers… autant d’infimes barrages vains mais courageux contre le grand océan du chaos. Enfin, mention pour la très belle installation Bomber, a chance unwinding du New-Yorkais Lewis Koch (1949). Le photographe donne à voir une série d’images des restes d’un bombardier qui s’est écrasé dans le Wyoming en 1943. Les vestiges métalliques de ce dernier ont été complétement intégrés par la nature. L’artiste s’en sert pour développer une réflexion autour de la guerre, de la mémoire et du chagrin.

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MICHEL VERLINDEN

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