Philippe Cornet
Philippe Cornet Journaliste musique

TOUJOURS ABONNÉE AU PIANO, TORI AMOS ABORDE LA CINQUANTAINE AU GRÉ DE CHANSONS JETÉES DANS LE MIROIR DU SEXE, DE LA RELIGION ET DU VIEILLISSEMENT.

Tori Amos

« Unrepentant Geraldines »

DISTRIBUÉ PAR UNIVERSAL.

7

Depuis le début de la décennie, Tori Amos a sorti un album de thèmes classiques (Night Of Hunters, 2011),revisité pour Deutsche Grammophon son back-catalogue en compagnie du Metropole Orchestra (Gold Dust, 2012) et conçu un musicalprésenté il y a quelques semaines au prestigieux National Theatre de Londres. Semant au gré du parcours une partie de sa fan-base davantage concernée par la production de « simples »chansons. Celles à la fois poivrées et minaudantes, qui valent à la rouquine américaine sa réputation d’auteur-agitateur depuis la parution de Little Earthquakes en 1992. D’une trempe mélo qui fait immanquablement penser à la cousine anglaise Kate Bush, avec moins de fantasmagorie, et plus de minou et de Jésus au programme. Cocktail pétroleur que l’on retrouve sur le quatorzième album d’une fille éduquée dans un milieu catholique métissé de strates protestantes et d’imprécations panthéistes: pour rappel, à 13 ans, la gamine fait claquer ses morceaux dans les bars gays, chaperonnée par papa pasteur…

Femme-enfant

Sans être éblouissant, ce CD et des poussières(1) a une première et forte vertu: la voix de Tori gagne en certitude parfumée ce qu’elle omet en manières théâtrales. Inspirée d’images éclectiques -Diane Arbus, Cézanne, le portraitiste irlandais Daniel Maclise- mais aussi par les créatures du folklore celtique, Amos pose une question générique: pourquoi les femmes devraient-elles, davantage que les hommes, succomber au sentiment du repentir? La réponse dépasse le questionnement sur la féminité -ou les relations mère/fille, chantées sur Promise avec sa propre progéniture- puisque Tori se veut aussi drôle et métaphorique. A l’unisson de Trouble’s Lament où une fille fuit le diable, vieux credo qui rappelle immanquablement les fantasmes biblico-sexuels de l’artiste. Thématiquement, le disque pratique donc le grand écart, celui qui sépare Giant’s Rolling Pin –scandale de la surveillance de la NSA- de Wedding Day, traitant de l’amour vieillissant au sein du couple. Sans doute les mélodies manquent-elles un rien d’envergure puisqu’il faut se plonger dans les textes pour s’investir complètement à l’écoute. Là aussi, traîne une forme de paradoxe entre la femme-enfant qui se laisse photographier à 19 reprises (!) en pochette du disque et le désir d’aller au-delà des sensations cosmétiques et passagères de la pop actuelle. A juger sur pièce: Tori et son piano partagent la scène du Cirque Royal ce 28 mai.

(1) DES BONUS VIDÉO SUR UN SECOND DISQUE DANS L’ÉDITION DELUXE.

PHILIPPE CORNET

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