Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

ÉLECTRON LIBRE DE LA CHANSON FRANÇAISE, KATERINE JOUE AU CROONER-DICTATEUR DISCO SUR SON NOUVEAU MAGNUM. BEAUCOUP DE CHAMPAGNE, PEU DE BULLES…

Katerine

« Magnum »

DISTRIBUÉ PAR UNIVERSAL.

5

Déjà l’été dernier, on avait tiqué. Balancé en éclaireur du nouvel album, le single Sexy Cool pédalait dangereusement dans le vide. Pose outrancière, refrain minimaliste sur fond de gaudriole délibérément poussive. Rien de neuf finalement dans l’univers de Katerine. Sauf que le sourcil ironique et le 12e degré clignotaient cette fois-ci de manière un peu trop voyante. Le chanteur a toujours pratiqué cet exercice casse-gueule consistant à pondre un morceau avec deux fois rien. Mais en écoutant Sexy Cool, (« je suis sexy quand t’es sexy, je suis cool quand t’es cool »), dominait surtout le sentiment de déjà vu, déjà entendu (« je chante toujours la même chanson », avoue-t-il). Et la fantaisie, bordel? Voici que déboule Magnum et pas de quoi rectifier l’impression persistante: tout se passe comme si Katerine s’était pris les pieds dans ses propres tics. Un comble pour un artiste qui s’est toujours amusé à jouer des clichés et des évidences.

Floche à l’air

Depuis le succès grand public de Louxor j’adore, Katerine occupe une position particulière dans le paysage musical hexagonal. Dans un pays qui a fait un triomphe au Petit bonhomme en mousse, il a réussi à plaire autant aux hipsters adeptes du décalage ironique qu’aux DJ de mariage prêts à faire tourner les serviettes. Un grand écart inédit mais qui montre peut-être tout doucement ses limites. Pour Magnum, Katerine mute en crooner-dictateur rigolard, sur fond d’électro-disco-funk, produit par SebastiAn. Près de dix ans après l’album Robots après tout (et son clin d’oeil à Daft Punk), Katerine lorgne donc vers la French touch des débuts (au hasard, le riff de Sexy Cool qui rappelle Stardust). On l’a connu déjà plus iconoclaste… Nu sous son peignoir, la floche à l’air -comme il l’avait déjà pratiqué dans le clip de La Banane (2010)-, Katerine ne se met en fait jamais à poil. Il paraît au contraire se contenter d’enfiler son costume de service, celui d’un Gotainer anar’ ou d’un Pierre Vassiliu trash et déjanté.

Certes, la folie est toujours bien présente. Au hasard, un exemple de poésie WTF: « Avec mes grosses couilles, je vais chez Casino/Avec mes grosses couilles, je m’achète un Kinderbueno » (Efféminé). Sale gamin, Katerine fera toujours grincer quelques dents, surtout dans les manifs contre le mariage pour tous. Quoiqu’on en dise, il reste cet ovni doux-dingue difficile à cerner. A cet égard, cela fait un moment que Katerine a même « sauté le requin ». Au point d’en faire sa spécialité: du grotesque et de l’hénaurme, transformant la chanson française en art outsider, brouillant joyeusement bon et mauvais goût. Sauf que l’acrobatie semble de plus en plus téléphonée. « Surtout, ne soyez pas vous-même! », glisse ainsi Katerine en tout début de disque. Ce qui est un magnifique contrepied à l’esprit de l’époque du be yourself! Mais qui, curieusement, après l’écoute de Magnum, peut aussi sonner comme un voeu pieu…

LAURENT HOEBRECHTS

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