Laurent Hoebrechts
Laurent Hoebrechts Journaliste musique

WEEKND À L’AMER – SORTI DE NULLE PART, THE WEEKND BOUCLE UNE PREMIÈRE TRILOGIE. AVEC ECHOES OF SILENCE COMME PARFAITE SYNTHÈSE D’UN R’N’B SOUS XANAX…

« ECHOES OF SILENCE »

AUTOPRODUCTION. À TÉLÉCHARGER SUR WWW.THE-WEEKND.COM

Dans une année 2011 un peu en panne d’idées, le phénomène a forcément fait son petit effet. Encore totalement inconnu il y a un an d’ici, The Weeknd, alias Abel Tesfaye, Canadien âgé d’à peine 21 ans, a sorti en quelques mois pas moins de 3 albums. Plus précisément des « mixtapes », en hip hop dans le texte. En pratique, cela ne change pas grand-chose au contenu: aussi bien House of Balloons (paru en mars dernier), que Thursday (lâché en août) ou le présent Echoes of Silence s’articulent comme de véritables albums. Par contre, la manière dont ils ont été distribués reste particulière: sans label, The Weeknd a balancé chacune de ses (auto)productions en téléchargement gratuit, sur son site. Ce n’est évidemment pas une première: des plus installés (le cas Radiohead) aux jeunes pousses en mal de visibilité, la méthode est devenue presque banale, particulièrement dans le monde du rap. Avec The Weeknd, la man£uvre a cependant livré des résultats inédits. Tesfaye s’est ainsi retrouvé à bosser avec la superstar Drake et a pu remixer Lady Gaga. Surtout, son House of Balloons est apparu dans plusieurs tops de fin d’année, et a même concouru pour le prestigieux Polaris Music Prize, sorte de Victoire de la musique canadienne (finalement remportée par Arcade Fire). Le tout sans label donc, et en refusant toute interview…

Mauvaise descente

Les lignes de l’industrie musicale n’ont donc pas fini de bouger. Celles du r’n’b non plus. Car la hype The Weeknd a le mérite de ne pas tourner dans le vide. Echoes of Silence, lâché il y a un peu moins d’un mois, en est une nouvelle preuve. Il y a quelques temps, le r’n’b était encore un genre qui, pour faire court, se partageait entre roucoulades romantiques et secousses pop cliniquement extatiques. Avec The Weeknd, changement de décor: le miel est toujours là (la voix de Tesfaye), mais le vinaigre aussi. Sur Echoes of Silence, le propos est plus affirmé et resserré que jamais: la débandade amoureuse, miaulée sur une production blême.

L’effet de surprise a disparu.  » The Same Old Song« , chante d’ailleurs Tesfaye, qui rumine toujours les mêmes ambiances urbaines de fin de nuit. Mais le sujet est désormais parfaitement maîtrisé. La mixtape s’ouvre ainsi par DD, une reprise du Dirty Diana de Michael Jackson. Culotté, voire casse-gueule, l’exercice est réussi, parce qu’extrêmement crédible, la hargne métalleuse de MJ étant ici remplacée par une lamentation misanthrope. Toujours sous antidép’, Tesfaye poursuit sur Montreal en citant… France Gall ( Laisse tomber les filles), tandis que les 7 minutes de XO/The Host plongent en 2 temps dans les profondeurs d’une descente de (mauvais) alcool. Mais c’est encore Initiation, et ses réminiscences quasi industrielles, qui sonne le plus menaçant… Certes, le trip mise sur une monochromie un peu blafarde, mais il vaut le détour.

Aujourd’hui, Tesfaye croule d’ailleurs sous les propositions de concert (il vient de lancer des auditions pour constituer un groupe), et sa trilogie de 2011 devrait prochainement atterrir dans les bacs des disquaires. Un signe que le bonhomme s’apprête à rentrer dans le rang? Peut-être. Son r’n’b lui, par contre, n’a pas fini de filer du mauvais coton.

LAURENT HOEBRECHTS

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